Bruxelles a jugé jeudi que le mécanisme de conversion en roubles imposé par Moscou pour le paiement des hydrocarbures représente un contournement des sanctions de l’UE. Cette position est en apparente contradiction avec les interprétations de plusieurs Etats membres soucieux de maintenir leurs approvisionnements. Le géant gazier russe Gazprom a annoncé mercredi avoir suspendu toutes ses livraisons de gaz vers la Bulgarie et la Pologne, affirmant que ces deux pays n’avaient pas effectué de paiement en roubles, contrairement à ce qu’exige Moscou, en réaction aux sanctions occidentales suite à l’offensive en Ukraine.
Un décret émanant du Kremlin et concernant le gaz russe
Le décret du Kremlin “introduit une nouvelle procédure de paiement en deux phases”. Elle comporte d’abord un versement sur un compte de Gazprombank en euros ou dollars -les devises prévues par 97% des contrats conclus par les groupes européens. La conversion en roubles se fait sur un second compte ouvert auprès du même établissement, explique la Commission européenne.
Cette conversion suppose une transaction avec la Banque centrale russe que le régime des sanctions de l’UE interdit.
“Dans ce système sophistiqué, les entreprises ne sont considérées comme ayant acquitté leur versement qu’une fois leurs devises transformées en roubles, dans un délai et à un taux de change qu’elles-mêmes ne contrôlent absolument pas (…) Clairement, c’est une contravention aux sanctions”.
C’est ce qu’a expliqué un porte-parole de l’exécutif européen.
Des divergences quant à son interprétation
Mercredi, le ministre allemand de l’Economie Robert Habeck avait donné une interprétation différente du décret russe.
“Les versements seront effectués en euros puis transférés par Gazprombank sur un compte en roubles: c’est la voie que nous suivons, c’est la voie que l’Europe nous a montrée, c’est compatible avec les sanctions” et “conforme aux contrats” passés par les entreprises allemandes ».
Techniquement, l’obligation de paiement est remplie dès lors que le versement en euros a été effectué auprès de Gazprombank. C’est ce qu’a aussi estimé la société allemande Uniper, tout en disant attendre des “clarifications”. L’énergéticien autrichien OMV a accepté les conditions de paiement (de Moscou). Elles ont été considérées comme conformes aux sanctions selon le chancelier autrichien Karl Nehammer. Sa porte-parole a cependant indiqué à l’AFP que les discussions se poursuivaient sur ce point.
Selon une source industrielle, l’italien ENI “évalue” de son côté la possibilité d’ouvrir un compte en euros et un autre en roubles auprès de Gazprombank. Sa prochaine échéance arrive dans la deuxième quinzaine de mai, mais il n’a pas encore pris sa décision. Il y a un processus constant d’échanges avec les États membres pour s’assurer qu’ils aient le maximum de clarté. C’est ce qu’on indique à la Commission. Elle rappelle que le contrôle du respect des sanctions est une prérogative des autorités nationales. La question sera au menu lundi d’une réunion extraordinaire des ministres de l’Energie des Vingt-Sept.