Les flux de gaz russe vers l’Europe via l’Ukraine ont chuté d’un quart mercredi. Ceci après que Kiev a décidé d’interrompre l’utilisation d’une importante route de transit, une première depuis le début du conflit. Le pays invoque l’ingérence des forces d’occupation russes. Selon les analystes, jusqu’à un tiers de l’approvisionnement en gaz de l’Europe pourrait s’interrompre. Quelles options existe-t-il en Europe pour compenser la perte du gaz russe ?
L’Europe dépend en grande partie du gaz russe
La Russie fournit environ 40 % du gaz naturel de l’Europe, principalement par gazoduc. L’année dernière, les livraisons ont atteint environ 155 milliards de mètres cubes.
Mardi, l’Ukraine a fermé un important gazoduc de transit, Sokhranovka, dans les territoires occupés. Néanmoins, Kiev a proposé de détourner les flux destinés à l’Europe vers une autre route, le point d’entrée de Sudzha. Pourtant, Gazprom estime qu’il n’est pas techniquement possible d’y transférer tous les volumes.
Selon la société de conseil Rystad Energy, les flux quotidiens de gaz via Sokhranovka ont atteint une moyenne de 23 millions de m3 jusqu’à présent, soit 20 % de moins qu’en avril. Les flux quotidiens via Sudzha ont atteint une moyenne d’environ 70 millions de m3 en mai. Ce résultat est proche de sa capacité de transit de 77 millions de m3 par jour. La Russie et l’Ukraine ne sont pas d’accord sur ces chiffres, ni sur la quantité de gaz qui peut être traitée par le point de Sudzha.
Sur la base de cette évaluation, il reste encore environ 10 millions de mètres cubes par jour de gaz qui doivent être réacheminés par d’autres chemins.
Par ailleurs, les routes alternatives vers l’Europe comprennent le gazoduc Yamal-Europe, qui traverse le Belarus et la Pologne jusqu’en Allemagne, et Nord Stream 1, qui passe sous la mer Baltique jusqu’en Allemagne.
Où est-ce que l’Europe peut-elle s’approvisionner en gaz ?
Rappelons-nous que la majorité des pays européens ont fait le choix de se soustraire des importations de gaz russe à long terme. Ainsi, certains pays disposent d’autres options d’approvisionnement. Par ailleurs, le réseau gazier européen est relié de telle manière que les approvisionnements puissent être partagés.
Les fournisseurs de gaz sont nombreux. La Norvège par exemple, grand producteur de gaz, annonce avoir augmenté ses exportations de 8% cette année. De plus, l’Azerbaïdjan peut être une autre source d’approvisionnement pour les pays d’Europe du Sud, comme la Bulgarie. Les gazoducs transadriatique et transanatolien (TANAP) alimentent l’Europe en gaz provenant du Caucase.
Aussi, les États-Unis s’efforceront de fournir 15 milliards de m3 de gaz naturel liquéfié (GNL) à l’Union européenne cette année. Les terminaux GNL européens ont également une capacité limitée. Ainsi, certains pays européens cherchent des moyens d’augmenter les importations et le stockage.
L’Allemagne, premier consommateur européen de gaz russe, pourrait importer du gaz de Grande-Bretagne, du Danemark, de Norvège et des Pays-Bas par gazoduc. Par ailleurs, le pays fait partie de ceux qui souhaitent construire de nouveaux terminaux GNL. Il prévoit d’en construire deux en l’espace de deux ans seulement. En théorie, les importations de GNL pourraient couvrir environ un tiers de l’approvisionnement que l’Allemagne reçoit de la Russie par gazoduc.
La Pologne, qui dépend à 50% des importations de gaz de Russie, estime qu’elle peut s’approvisionner via deux liaisons avec l’Allemagne et avec le GNL. Le réseau gazier européen étant interconnecté, il est possible pour les pays de rediriger les flux de gaz. Des nouvelles connexions gazières seront construites, permettant à la Pologne et d’autres pays de s’approvisionner chez ses voisins.
Renforcer les interconnexions et les ressources alternatives au gaz
La diversification de l’approvisionnement pourrait couvrir une bonne partie de la consommation européenne. Effectivement, la Commission européenne déclare que le gaz et le GNL provenant de pays tels que les États-Unis et le Qatar pourraient remplacer cette année 60 milliards de m3 d’approvisionnement russe.
Néanmoins, les ressources alternatives au gaz pourront jouer un rôle important. L’Europe possède une interconnexion des liaisons électriques. Ainsi, chaque pays peut se tourner vers son voisin pour sécuriser son approvisionnement en électricité. Par conséquent, les États pourraient augmenter leur production d’électricité à partir du nucléaire, du renouvelable ou du charbon.
De nouveaux projets éoliens et solaires pourraient remplacer 20 milliards de m3 de gaz cette année. À terme, ces énergies tripleront en capacité d’ici 2030. Cela permettrait d’économiser 170 milliards de m3 de gaz par an.
Les mesures d’économies d’énergie sont également favorisées. Par exemple, le fait de baisser les thermostats d’un degré Celsius pourrait permettre d’économiser 10 milliards de m3 supplémentaires cette année.
Toutefois, les alternatives se confrontent à plusieurs problèmes. Par exemple, la disponibilité du nucléaire diminue, car les centrales vieillissent ou ferment, comme en France. De plus, l’UE s’efforce d’abandonner le charbon pour atteindre ses objectifs climatiques. L’UE a également promulgué un embargo sur le charbon russe, forçant les pays à s’approvisionner ailleurs.
En conclusion, les alternatives restent restreintes et demandent du temps. Par conséquent, de nombreux pays européens ont mis en place des mesures pour gérer l’approvisionnement en gaz et rationner l’électricité en cas d’arrêt des flux de gaz russe.