La crise qui a débuté suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie a créé un changement massif dans le marché mondial du gaz. Les changements arrivent à grande vitesse et ont l’air, pour l’instant, irréversibles. Le gaz est au centre du problème causé par les désaccords entre Russes et occidentaux
L’incertitude va régner sur le marché du gaz
Une invasion qui a séparé la Russie et les Européens
L’invasion a forcé les entreprises et les gouvernements européens à repenser le rôle de la Russie en tant que fournisseur d’énergie clé. L’UE s’est maintenant fermement engagée dans la voie de la diversification, loin du gaz russe. En outre il est difficile de concevoir un changement dans cette stratégie. Que la guerre finisse rapidement ou non.
Mais le calendrier reste une incertitude majeure. L’Europe a importé environ 170 milliards de mètres cubes de gaz russe en 2021 (140 milliards de mètres cubes dans l’UE). On estime qu’elle n’importera que 120 milliards de mètres cubes cette année, grâce à des importations records de GNL. Mais aussi grâce à une demande intérieure plus faible.
Toutefois, d’autres réductions nécessiteraient la résiliation de contrats à long terme existants avec des fermetures à prise ou à salaire, dont certaines (65 bcma) se poursuivront jusqu’en 2035. On ne sait pas si cela sera légalement possible. Il y a ainsi le risque que la Russie réduise unilatéralement les approvisionnements de gaz. Comme elle l’a déjà fait pour la Pologne et la Bulgarie.
La question des contrats de gaz avec les Russes
Il est possible de supposer que les contrats russes resteront en place jusqu’à leur date de fin. Cependant, la précision des estimations se dégrade par rapport à l’avant-guerre. Les approvisionnements de gaz russe diminueront à 80 milliards de mètres cubes d’ici 2030. Ce qui environ 90 milliards de mètres cubes de moins que ce qui était attendu.
La diversification de l’Europe donnera un nouvel élan à la réduction des émissions de carbone. Notamment une plus grande électrification, en particulier du chauffage des locaux. Mais aussi des mesures d’efficacité énergétique et une accélération de la montée en puissance de l’hydrogène renouvelable feront en sorte que notre demande sera inférieure de 35 milliards de pieds cubes d’ici 2030 par rapport à ce qu’elle était avant la guerre.
Cependant, l’offre intérieure et les options d’importation à proximité, bien qu’attrayantes sur papier, sont limitées. Elles pourraient seulement être en mesure de ralentir la réduction de l’approvisionnement existant. Même si la Norvège et l’Algérie exportent plus.
Le GNL va voir sa demande augmenter
Tandis que l’Europe essaie de s’approvisionner sans gaz russe, les vendeurs de GNL sont gagnants notamment les États-Unis.
L’état de préparation des projets, le calendrier de mise en marché, les prix concurrentiels et les liens politiques pointent tous vers une deuxième vague de GNL américain. Nous prévoyons que plus de 50 mmtpa seront autorisées d’ici la fin de l’année prochaine. Et la dynamique actuelle montre que le risque est fermement à la hausse. Notamment si les services publics européens s’engagent dans des contrats à long terme. L’accord signé récemment par Engie avec 1,75 mmtpa pendant 15 ans est un signe avant-coureur.
Mais une grande partie de ce nouveau GNL, y compris ceux qui ont nécessité des décisions d’investissements finales au cours des années précédentes, ne devrait venir qu’après 2026. L’offre de GNL devrait augmenter de 50 mmtpa en 2027 et 2028. En revanche, elle ne s’établira en moyenne qu’à 13 mmtpa entre 2023 et 2026. Ce qui limitera donc le potentiel de croissance des importations en Europe et en Asie.
Un marché du gaz qui sera long à rééquilibrer
Le prix du GNL va augmenter
L’Europe devra concurrencer l’Asie pour que la molécule marginale de GNL réponde à la demande. Comme c’est le cas actuellement. Les prix baisseront par rapport aux niveaux actuels lorsque la guerre en Ukraine s’achèvera. Ou du moins entrera dans une phase plus calme. Ce qui réduira la prime de risque associée à la perturbation de l’approvisionnement russe. Cependant, la concurrence entre l’Europe et l’Asie pour le GNL sera intense. Et ce jusqu’à ce qu’une nouvelle vague d’approvisionnement arrive après 2026. Les prix resteront inévitablement élevés jusque-là.
Le prix du GNL ne va pas baisser de sitôt
À mesure que les marchés se rééquilibreront au cours de la deuxième moitié de la décennie, les prix fléchiront. Mais il faut prévoir des prix structurellement plus élevés que prévu avant-guerre. Afin qu’il soit possible de répondre à l’augmentation de l’offre mondiale de GNL pour répondre à la demande, en particulier des États-Unis.
Depuis longtemps, on surnomme l’Europe le « siphon » du marché mondial du GNL. Elle absorbe l’offre excédentaire de GNL en période de croissance insuffisante de la demande asiatique. Cette époque est révolue. Alors que l’Europe cherche à se diversifier par rapport à la Russie, le GNL devient le fournisseur marginal de l’Europe. Et selon la rapidité avec laquelle elle se sèvrera du gaz russe, l’Europe pourrait bien rester le premier marché du GNL. Du moins jusqu’à ce qu’une nouvelle vague d’approvisionnement en GNL commence après 2026.
Enfin, avec la guerre le marché du gaz est profondément chamboulé. Si l’Europe s’intéresse maintenant au GNL, la question se pose aussi pour la Russie. Maintenant que l’Europe ne veut plus de son gaz, elle va essayer de le vendre sur les marchés asiatiques. Maintenant que les flux de gaz russe vont diminuer, il est temps pour les Européens de trouver d’autres solutions. Le GNL pourrait remplacer le gaz russe, mais les énergies renouvelables sont aussi une hypothèse privilégiée par certains pays européens.