La fusion nucléaire pourrait devenir commercialement viable grâce à un super-aimant développé par la startup Commonwealth Fusion Systems et les scientifiques du MIT.
La fusion nucléaire alimentée par un aimant superpuissant
Un aimant extrêmement puissant générant une chaleur intense, elle-même convertible en électricité, pourrait former la base d’un réacteur à fusion. C’est ce qu’affirment des chercheurs du MIT et des ingénieurs de la startup Commonwealth Fusion Systems. Cet aimant serait l’élément central d’un Tokamak, un réacteur compact utilisant les forces magnétiques pour comprimer le plasma.
Les responsables de la startup affirment que cette avancée technologique importante rendra les tokamaks commercialement viables pour la première fois. La startup déclare ne pas encore être prête à tester son prototype de réacteur. Mais les chercheurs sont en train d’achever l’aimant et espèrent qu’il sera exploitable d’ici à 2025.
5 fois plus petit que le projet ITER
Un consortium composé de membres de l’UE et de six autres pays travaillent à l’assemblage d’un réacteur à Cadarache, France. De la taille d’un terrain de football, le projet ITER est censé pouvoir commencer à produire de l’électricité en 2035. Les scientifiques américains ambitionnent de présenter ce mois-ci un champ magnétique deux fois plus puissant que les aimants du consortium.
« Si vous passez à un champ magnétique beaucoup plus élevé, vous pouvez passer à une taille beaucoup plus petite », explique Bob Mumgaard, physicien des plasmas et PDG de Commonwealth. Selon lui, un dispositif cinq fois plus petit que le réacteur prévu en France pourrait générer presque autant d’énergie.
L’aimant de Commonwealth sera l’un des 20 aimants d’une cuve occupant un espace de la taille d’un court de tennis. La startup a implanté un site à Devens, Massachusetts, où elle construira son prototype de réacteur et ses aimants. Les aimants se composent d’une pellicule de matériaux rares sur une bande enroulée autour d’une bouteille pour contenir la fusion.
Atteindre une production d’énergie positive
L’année dernière, Commonwealth Fusion Systems a publié sept articles dans le Journal of Plasma Physics à propos de son réacteur. Publiés conjointement avec des physiciens du Plasma Science and Fusion Center du MIT, ceux-ci avaient permis de lancer son activité. La société espère que son tokamak pourra produire dix fois plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Cela reste néanmoins à prouver, de même que la compétitivité de l’électricité provenant des réacteurs à fusion nucléaire. En effet, la construction de réacteurs à fusion à grande échelle est particulièrement coûteuse. De plus, le coût d’autres types d’énergie a tendance à chuter.
Jusqu’à présent, le projet Joint European Torus (JET) est le meilleur prototype à fusion nucléaire. Lancé en 1983 dans l’Oxfordshire, en Angleterre, le dispositif avait produit 16 MW d’énergie de fusion pour 24 MW consommés.
D’ici 10 ans ?
Daniel Jassby, physicien des plasmas émérite de l’Université de Princeton, exprime son scepticisme envers « l’énergie de fusion vaudou ». Jassby reconnaît le potentiel de Commonwealth, mais estime peu probable que la fusion produise de l’énergie électrique bon marché.
« Les revendications [de ces entreprises] sont injustifiées », déclare le Dr. Jassby dans une interview. « Elles pourraient effectivement faire fonctionner quelque chose comme ça un jour, mais pas dans les délais dont elles parlent ».
Au contraire, le Dr. Mumgaard pense que Commonwealth et les chercheurs du MIT réaliseront bientôt leurs objectifs. Contrairement aux autres sources d’énergie, la fusion permettrait de créer de l’énergie à partir de quasiment rien. « Si l’on additionne tous les coûts, le coût des éléments normaux comme le béton et l’acier, on obtient autant d’énergie qu’une centrale au gaz, mais sans avoir à payer le gaz », a déclaré le Dr. Mumgaard.
Les scientifiques sont de plus en plus optimistes
La fusion représente une technologie cruciale contre le réchauffement climatique, car elle pourrait générer beaucoup d’énergie propre à bas coûts. Cependant, cette technologie n’a jamais atteint le stade commercial, malgré des décennies d’investissements et de promesses.
Comme la traditionnelle fission nucléaire, l’énergie de fusion ne consommerait pas de combustible fossile et ne produirait pas de gaz à effet de serre (GES). De plus, son carburant, généralement des isotopes d’hydrogène, est plus abondant que l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires actuelles. Les déchets des centrales à fusion seraient également moins dangereux et moins radioactifs.
L’énergie de fusion reste donc, jusqu’ici, inexploitable. Malgré cela, elle est toujours considérée comme une solution pour stopper la dépendance aux combustibles fossiles. Certains chercheurs pensent que la recherche sur la fusion pourrait enfin payer au cours de cette décennie.
Les investissements augmentent
De nombreuses entreprises privées américaines, européennes, chinoises et australiennes investissent massivement dans la construction de réacteurs à fusion commerciaux. L’investissement total de personnes telles que Bill Gates et Jeff Bezos approche les $2 milliards. Des consortiums financés par les gouvernements se joignent aussi à l’effort.
Par exemple, le gouvernement fédéral américain dépense environ $600 millions par an dans la recherche sur la fusion. Une proposition d’amendement suggère même d’ajouter $1 milliard au projet de loi sur les infrastructures de l’administration Biden.
Certaines entreprises et consortiums construisent de puissants lasers pour générer la fusion, d’autres explorent de nouveaux types de combustibles. Tous partagent le même objectif : produire de l’électricité à un prix compétitif au cours de cette décennie. Et construire des centrales à fusion nucléaire commerciales pour alimenter les réseaux électriques d’ici à la prochaine décennie.