Le gouvernement français relance un projet ambitieux de réforme de la sûreté nucléaire. Après un premier échec en mai, où le projet avait été rejeté lorsqu’il était introduit comme un amendement législatif, il revient sous une forme plus robuste en tant que projet de loi. Ce projet, qui débutera son examen parlementaire par le Sénat le 7 février, vise à fusionner l’IRSN, la « police scientifique » du nucléaire, avec l’ASN, le gendarme des centrales. Cette fusion est envisagée comme un moyen d’optimiser les processus décisionnels et d’expertise, dans le but de renforcer la sûreté nucléaire en France, un enjeu devenu encore plus pressant à la lumière des ambitions renouvelées du pays en matière de nucléaire.
Fusion IRSN-ASN et Implications
La proposition de créer une « Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » (ASNR) pour le 1er janvier 2025 s’inscrit dans un contexte plus large de relance de l’énergie nucléaire en France. Le président Emmanuel Macron a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs EPR, avec des plans pour huit autres dans les prochains mois. Cette fusion est présentée comme une étape essentielle pour accompagner cette expansion, en garantissant que les processus de sûreté nucléaire soient à la fois efficaces et adaptés aux défis d’une industrie en pleine croissance.
Cependant, cette réforme a suscité une vive opposition. L’intersyndicale de l’IRSN, diverses associations écologistes, et des experts du secteur expriment de sérieuses préoccupations. Leur crainte principale est que la fusion puisse compromettre l’indépendance des expertises et réduire la transparence des décisions. Ces inquiétudes sont exacerbées par le fait que le projet a été accueilli fraîchement par la plupart des organes consultatifs, soulignant un manque de consensus autour de cette initiative.
Débats sur l’Indépendance et la Transparence
Au cœur des débats se trouve la question de la publication des expertises de l’IRSN. La loi de 2015 exige que ces expertises soient rendues publiques régulièrement, une pratique qui pourrait être menacée par la fusion. L’avant-projet de loi stipule que la future autorité définira les modalités de publication dans son règlement intérieur, mais cette formulation vague laisse place à des interprétations diverses et suscite des inquiétudes quant à la possibilité d’une réduction de la transparence.
Contexte Politique et Réactions
Le projet de réforme a émergé dans un contexte politique complexe, notamment lors d’un conseil de politique nucléaire à l’Elysée, et a été initialement perçu comme une tentative de démantèlement de l’IRSN. Cette perception a été renforcée par la manière dont le personnel de l’Institut a été informé de la décision, ainsi que par la communication publique qui a suivi. Bien que la proposition actuelle se concentre sur la fusion, elle reste entachée par ces premières impressions et par le manque de clarté dans la communication du gouvernement.
Cette réforme est cruciale non seulement pour la sûreté nucléaire en France, mais aussi pour la perception du public de l’industrie nucléaire. Alors que la France se prépare à augmenter sa capacité nucléaire, la manière dont cette réforme sera gérée et communiquée pourrait avoir des implications significatives sur la confiance du public dans la sûreté nucléaire et, par extension, dans l’acceptabilité de l’énergie nucléaire comme pilier de la stratégie énergétique du pays.
La réforme de la sûreté nucléaire en France est un sujet complexe, mêlant des considérations techniques, politiques et sociales. Les décisions prises aujourd’hui auront un impact profond sur la manière dont la France gère son avenir nucléaire, dans un contexte où la sûreté et la confiance du public sont plus importantes que jamais.