L’État décide de ne pas poursuivre le projet de barrage « Rhônergia » sur le Rhône, annoncé par la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) le 29 août. Ce projet, situé entre Saint-Romain-de-Jalionas (Isère) et Loyettes (Ain), visait à construire une infrastructure hydroélectrique avec une retenue de 22 kilomètres de long et une digue de 4 kilomètres pour ralentir le débit du fleuve. La CNR avait prévu une chute de 6,8 mètres permettant de produire environ 140 GWh par an, soit l’équivalent de la consommation électrique annuelle de 60 000 habitants. Le coût estimé de cette construction était de 330 millions d’euros.
La CNR, responsable de 19 barrages hydroélectriques sur le Rhône, prend acte de cette décision et évoque une nouvelle phase de discussions avec l’État pour identifier des projets alternatifs en matière de gestion des ressources du fleuve. Ce projet, dont l’idée remonte à 1935 et qui avait déjà été abandonné une première fois en 1980, représentait le dernier grand aménagement de ce type envisagé sur le Rhône. Malgré les objectifs de renforcement de l’indépendance énergétique et de lutte contre le changement climatique avancés par la CNR, les critiques locales et régionales ont pesé lourd dans cette décision.
Réactions des élus locaux et mobilisation régionale
Le maire de Saint-Romain-de-Jalionas, Jérôme Grausi, exprime son soutien à cette décision, la qualifiant de « soulagement pour la protection de la nature, de notre territoire et de notre identité ». Il met en lumière l’importance de préserver l’une des dernières zones non aménagées du Rhône, où se trouvent également des vestiges gallo-romains. Grausi insiste sur la nécessité de vigilance concernant d’autres projets énergétiques, notamment la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 à la centrale du Bugey, proche du site du barrage prévu.
Maxime Meyer, conseiller régional de l’Ain et coprésident du groupe des Écologistes à la Région Auvergne-Rhône-Alpes, se félicite également de cet abandon. Il souligne que la mobilisation contre le projet « Rhônergia » représente un espoir pour ceux qui s’opposent aux « grands projets inutiles et imposés » en France. Meyer voit cette décision comme un signal fort en faveur d’une gestion plus équilibrée et concertée des projets d’infrastructures énergétiques.
Conséquences pour la stratégie énergétique régionale
L’abandon de « Rhônergia » relance le débat sur la stratégie énergétique à adopter dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. La CNR et l’État doivent maintenant travailler ensemble pour développer des projets qui respectent à la fois les contraintes environnementales et les besoins énergétiques locaux. L’accent pourrait être mis sur des infrastructures plus petites ou sur des technologies de pointe permettant d’optimiser la production hydroélectrique sans impact négatif majeur.
Les discussions à venir pourraient inclure des options telles que le renforcement des installations existantes ou l’intégration d’énergies renouvelables complémentaires. Les enjeux sont importants, car il s’agit de répondre à la demande croissante d’énergie tout en respectant les impératifs de décarbonation. Le rôle de la région dans la stratégie énergétique nationale dépendra de la capacité des acteurs à proposer des solutions innovantes et économiquement viables.
Implications pour la politique énergétique nationale
L’annulation de ce projet met en lumière les défis de la politique énergétique française, qui doit concilier la nécessité d’augmenter la part des énergies renouvelables avec celle de garantir une production stable et suffisante. Le Rhône reste un axe stratégique pour la production d’hydroélectricité, mais la gestion de ses ressources requiert une approche prudente et concertée. L’annonce de la construction de nouveaux réacteurs EPR2 au Bugey par le président Emmanuel Macron en juin montre que le mix énergétique français reste encore largement diversifié.
Les futures discussions entre la CNR, l’État et les acteurs locaux devront se concentrer sur des solutions qui allient efficacité énergétique et acceptabilité sociale. L’accent pourrait être mis sur la modernisation des infrastructures existantes et l’adaptation aux évolutions climatiques. Ce choix de ne pas aller de l’avant avec « Rhônergia » reflète une prise de conscience des enjeux économiques et politiques liés aux grands projets énergétiques dans le contexte actuel.