Les principales fédérations syndicales du secteur de l’énergie en France craignent que la prochaine révision du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE) ne se fasse au détriment des moyens humains, pourtant cruciaux pour la transition énergétique. Cette réforme, prévue pour entrer en vigueur en 2025, doit fixer les conditions de financement du réseau de transport et de distribution pour une période de quatre ans, avec un impact direct sur les gestionnaires de réseaux comme Enedis et RTE.
La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) s’apprête à lancer une consultation publique pour définir le prochain TURPE, une « brique » tarifaire représentant près d’un tiers de la facture finale d’électricité des consommateurs. Les syndicats CGT, CFE-CGC, CFDT et FO redoutent que la volonté de limiter les coûts pour préserver le pouvoir d’achat ne se traduise par une réduction des moyens affectés aux investissements, au recrutement et à la modernisation des infrastructures.
Enjeux de modernisation pour Enedis et RTE
Les deux gestionnaires de réseaux, Enedis et RTE, financés à 90% par le TURPE, sont confrontés à des défis majeurs, selon Julien Lambert, secrétaire fédéral de la CGT-Énergie. Ces enjeux incluent le raccordement des énergies renouvelables, le développement de nouveaux réacteurs nucléaires et le remplacement des infrastructures obsolètes. RTE prévoit ainsi d’investir près de 100 milliards d’euros d’ici 2040 pour moderniser le réseau haute tension et adapter le réseau aux objectifs de neutralité carbone.
La révision tarifaire intervient dans un contexte de disette budgétaire, alors que le gouvernement cherche à contenir l’inflation tout en finançant la transition énergétique. Les syndicats estiment que ces contraintes risquent de compromettre les projets d’infrastructure et de pression sur le service public.
Les répercussions pour EDF
Cette réforme pourrait également avoir des répercussions pour EDF. Alexandre Grillat, secrétaire général de la CFE-Énergie, souligne que le groupe public, déjà fragilisé par les réformes successives, pourrait être contraint de supporter de nouvelles charges fiscales. Le projet de contribution sur les rentes inframarginales (Crim), introduit par l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire, vise à taxer les installations de production excédant 260 mégawatts, et reste en suspens sur la table du nouveau locataire de Bercy.
Cette incertitude fiscale pourrait pousser EDF à répercuter ces coûts sur ses filiales de transport et de distribution. Les syndicats s’inquiètent de l’éventuelle pression financière d’EDF pour garantir sa solvabilité, ce qui pourrait se traduire par une réduction des moyens alloués aux gestionnaires de réseau.
Les implications pour le service public
Les syndicats insistent sur l’importance de préserver les moyens humains et techniques pour garantir un service public de qualité, surtout face aux besoins de modernisation du réseau. Toute réduction des effectifs pourrait ralentir la réalisation des objectifs de la transition énergétique et compromettre la sécurité d’approvisionnement.
Alors que la CRE entame les consultations sur le prochain TURPE, le gouvernement, les gestionnaires de réseaux et les syndicats devront trouver un compromis pour assurer le financement de la modernisation sans sacrifier les moyens nécessaires à la réalisation de ces projets structurants.