La justice rendra sa décision le 2 mai dans la bataille qui oppose de petits actionnaires d’EDF à l’Etat français pour freiner la renationalisation du groupe, en raison notamment du prix de rachat des actions jugé trop faible.
Le gouvernement voulait tout boucler fin 2022, mais depuis des mois, les petits actionnaires salariés et retraités d’EDF ont multiplié les recours pour freiner l’opération. Lors de l’audience devant la cour d’appel de Paris jeudi, le parquet général a requis le rejet du recours. La décision finale sera rendue le 2 mai.
Le rachat complet d’EDF, annoncé en juillet dernier et chiffré à 9,7 milliards d’euros, est stratégique pour l’Etat actionnaire, qui détenait déjà avant l’OPA 84% de son fleuron national. Son but est de libérer EDF de la Bourse pour lui permettre de relancer plus facilement le nucléaire en France.
Au cœur du débat, le prix de 12 euros par action auquel l’Etat a décidé de racheter aux actionnaires les titres qui lui manquent pour contrôler totalement l’électricien. Un prix jugé trop bas : les plaignants réclament à minima 15 euros.
Ce prix de 12 euros a été validé par le rapport d’un expert indépendant, mais les petits actionnaires estiment que l’entreprise est sous-évaluée et qu’elle a été injustement pénalisée dans ses recettes par un mécanisme imposé par l’Etat (Arenh) l’obligeant à vendre son électricité nucléaire à bas prix à des fournisseurs alternatifs. Et EDF a dû jongler avec ses problèmes de corrosion dans les réacteurs qui ont fait chuter sa production en 2022 et creusé ses pertes.
Les plaignants contestent donc la décision de conformité rendue par l’Autorité des marchés financiers (AMF) en novembre, qui avait donné le feu vert à l’Etat pour lancer cette OPA. L’AMF a pourtant assuré que sa décision était parfaitement conforme à la réglementation.
Florent Segalen, l’avocat des actionnaires salariés et retraités d’EDF, a souligné que la décision de renationalisation a été prise dans la pire année qu’a connu EDF depuis sa création en 1946. Il a également affirmé que l’expert indépendant qui a jugé ce prix équitable s’est basé sur des hypothèses incorrectes. De plus, selon les petits actionnaires salariés et retraités d’EDF, l’ex-CEO d’EDF, Jean-Bernard Levy, aurait dû s’abstenir de voter lors du conseil d’administration qui a approuvé l’offre de l’État, en raison d’un possible conflit d’intérêts.
Les actionnaires minoritaires contestataires sont représentés par Martine Faure, présidente du fonds d’actionnariat salarié d’EDF, ainsi que par l’association Energie en actions et l’ADAM, une association de défense d’actionnaires minoritaires. Ils ont fait valoir que la décision de l’AMF était contraire aux principes de transparence et d’équité du marché. L’avocat des actionnaires salariés et retraités, Florent Segalen, a également souligné que la décision de renationalisation a été prise dans une année difficile pour EDF, qui a connu sa pire année depuis sa création en 1946.
L’AMF, pour sa part, a affirmé que sa décision était parfaitement conforme à la réglementation, et que le collège de l’AMF avait tenu trois réunions pour étayer sa décision. Patricia Choquet, représentante de l’AMF, a également déclaré que les actionnaires contestataires ne réclament pas une meilleure information, mais plutôt un meilleur prix, qualifiant leur démarche de « cupide ». Florian Bouaziz, avocat d’EDF, a également qualifié leur contestation de « cupide ».
Malgré cette contestation, un certain nombre d’actionnaires ont accepté le prix proposé par l’État, et celui-ci détenait donc 95,82% du capital et 96,53% des droits de vote d’EDF au 8 février. Le seuil de retrait obligatoire, qui permet de renationaliser EDF en forçant les 4% d’actionnaires restants à vendre leurs parts, a également été largement dépassé, ce qui témoigne selon le parquet général d’une « large approbation » du prix proposé par l’État.