La Cour des comptes a mis en garde contre l’absence de solution pérenne pour le stockage de quelque 280 000 m³ de déchets nucléaires dits de « faible activité à vie longue » (FAVL), dans un rapport publié le 4 juin. Ces déchets, qui peuvent rester radioactifs jusqu’à 100 000 ans, ne sont pris en charge par aucune filière de stockage existante.
Un volume sans solution d’entreposage définitif
Les déchets concernés sont issus de pratiques industrielles anciennes et variées, comprenant notamment des résidus radifères provenant du traitement de minerais rares, du graphite ayant servi dans les réacteurs nucléaires de première génération, ainsi que des déchets bitumés, enrobés dans du bitume après traitement d’effluents radioactifs. À ce jour, environ 210 000 m³ sont entreposés sur les sites d’industriels comme le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Électricité de France (EDF), Orano, Framatome, Solvay ou encore l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
La Cour des comptes souligne qu’aucune infrastructure actuelle n’est adaptée à leur stockage sur le long terme. Ces déchets ne peuvent être stockés en surface en raison de leur durée de vie, mais leur faible niveau de radioactivité ne justifie pas un stockage géologique profond tel que celui prévu dans le projet Cigéo.
Le site de Soulaines retardé de plusieurs décennies
Un projet de stockage à faible profondeur est envisagé sur le site de Soulaines, dans l’Aube, mais il n’entrerait pas en service avant le milieu des années 2040. Cette échéance représente un retard de plus de 30 ans par rapport à la date prévue par le législateur en 2013. De plus, ce site ne serait en mesure d’accueillir qu’une partie des déchets, notamment les déchets radifères, laissant les autres sans solution identifiée.
Ce retard expose les sites d’entreposage actuels à un risque de saturation. Selon le rapport, cela pourrait compromettre les opérations de démantèlement de certaines installations nucléaires, faute d’espace pour accueillir les matériaux issus de ces chantiers.
Retards persistants et incertitudes fiscales autour du projet Cigéo
La Cour note également les difficultés persistantes du projet Cigéo, destiné à enfouir à 500 mètres de profondeur les déchets à haute activité dans la Meuse. Ce projet accuse aujourd’hui plus de 20 ans de retard sur son calendrier initial. La Cour évoque des risques accrus de blocages liés aux procédures d’expropriation et aux aménagements initiaux, ainsi qu’un point de crispation majeur autour de la fiscalité locale.
Les retombées fiscales, considérées comme un levier pour l’adhésion des élus, n’ont pas encore été définies, alors qu’un décret est attendu avant l’enquête publique prévue en 2026. La Cour recommande donc de fixer rapidement ce cadre fiscal et d’initier, dès 2025, la création de fonds dédiés financés par les producteurs de déchets, afin de soutenir les études nécessaires à la mise en place de nouvelles solutions de stockage.