La fusion de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) pour former l’Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection (ASNR) est prévue pour le 1er janvier 2025. Annoncée comme une mesure visant à simplifier les processus décisionnels dans le cadre de la relance du programme nucléaire français, cette réforme est pourtant entourée de nombreuses incertitudes, comme l’a exposé Jean-Christophe Niel, directeur général de l’IRSN.
Lors d’une récente présentation à l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst), M. Niel a exprimé ses préoccupations quant à la faisabilité de la mise en place effective de l’ASNR d’ici la date fixée. « En raison d’un certain nombre d’incertitudes (…) sur la réalisation de tâches essentielles, il n’y a pas de garantie que l’ASNR puisse fonctionner de manière correcte au premier janvier 2025, » a-t-il expliqué. Cette déclaration souligne les difficultés pratiques, logistiques et budgétaires qui freinent la mise en place de cette autorité unique.
Des tâches logistiques et opérationnelles encore en suspens
Pour assurer le bon fonctionnement de l’ASNR, une cinquantaine de tâches a été identifiée comme essentielles, dont la gestion des courriers, la téléphonie et l’accès aux sites nucléaires. Parmi elles, cinq actions ont été jugées impératives pour être réalisées avant le 1er janvier, selon M. Niel. Ces points critiques comprennent notamment la gestion de la paie, actuellement sous la responsabilité d’un agent comptable de l’IRSN. Ce rôle devrait être transféré au contrôleur budgétaire et comptable du ministère de la Transition écologique, soulevant des questions de continuité et de cohérence dans le traitement administratif et financier du personnel.
L’enjeu de la paye des 1 600 salariés de l’IRSN et des 500 fonctionnaires de l’ASN est l’un des exemples concrets de la complexité de cette fusion. En plus des questions de ressources humaines, d’autres éléments doivent être réglés, comme le transfert des biens, des droits et des obligations juridiques des deux entités, ainsi que le positionnement des employés dans la future gouvernance de l’ASNR.
Des incertitudes budgétaires qui suscitent des inquiétudes
Parallèlement, Bernard Doroszczuk, président de l’ASN, a émis des réserves sur le financement de cette nouvelle entité lors de la même audition devant l’Opecst. Selon lui, le projet de loi de finances, bien qu’amendé par les parlementaires pour combler certains manques, reste insuffisant pour couvrir les besoins de fonctionnement et d’investissement de l’ASNR. M. Doroszczuk évalue le déficit à environ 20 millions d’euros, soit 12,5 % du budget requis.
Ce manque de moyens financiers pourrait limiter l’efficacité de l’ASNR dans ses missions de contrôle et de gestion des centrales nucléaires françaises. Les récentes tentatives parlementaires d’ajustement des dotations montrent l’importance des enjeux financiers, mais le défi reste important pour un organisme appelé à jouer un rôle essentiel dans la sécurité nucléaire du pays.
La réponse du ministère de l’Énergie
Face aux préoccupations exprimées par les directeurs de l’IRSN et de l’ASN, le ministère de l’Énergie a réagi en affirmant que les crédits alloués à l’ASNR correspondent aux besoins évalués par l’administration. Le ministère assure que l’État, en partenariat avec l’IRSN et l’ASN, travaille activement à garantir le bon fonctionnement de la nouvelle structure à partir de janvier.
Le ministère se montre confiant quant aux discussions en cours sur les aspects budgétaires et logistiques. L’arrivée de Pierre-Marie Abadie, nouveau président de l’ASN et futur dirigeant de l’ASNR, prévue pour le 13 novembre, est perçue comme un facteur stabilisateur. Toutefois, certains des « sujets d’attention » mentionnés par le ministère, notamment la gestion de la paie et les affectations de personnel, illustrent les nombreux obstacles encore à surmonter.
La réforme de la gouvernance du nucléaire en France, bien que conçue pour fluidifier les processus décisionnels, soulève des préoccupations parmi les syndicats et les associations. Ceux-ci craignent une perte de transparence et de séparation entre expertise technique et décisions administratives, ce qui pourrait nuire à la rigueur des procédures de sûreté. Les étapes finales de la fusion entre l’IRSN et l’ASN sont scrutées de près, dans un contexte où la France s’apprête à investir massivement dans son secteur nucléaire.