L’arrivée massive de voitures électriques sur les routes françaises ne suffira pas pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur, ont prévenu mercredi ses responsables, en préconisant notamment une « évolution des usages », en clair un moindre recours à l’automobile individuelle.
Les 37 millions de véhicules particuliers et six millions d’utilitaires légers circulant sur le territoire sont responsables de « 21% des émissions totales nationales » de CO2, a rappelé la Plateforme automobile (PFA) dans sa « feuille de route » sur la décarbonation remise au gouvernement. Pour la PFA, qui représente constructeurs et équipementiers, les ventes de voitures électriques sont vouées à « fortement accélérer » d’ici à l’interdiction des voitures thermiques neuves dans l’UE en 2035: les électriques et hybrides rechargeables devraient « représenter respectivement 50 et 20% des ventes de véhicules légers en 2030 et 14% et 7% du parc », ce qui va se traduire par « des gains d’environ 23% » de CO2 à cet horizon.
Cette trajectoire reste en revanche conditionnée, selon la PFA, au fait que les entreprises, qui achètent la moitié des véhicules neufs, jouent le jeu de l’électrification, que le gouvernement soutienne toujours l’acquisition de telles automobiles, notamment par les ménages modestes, et que les bornes de recharge soient suffisamment nombreuses. Mais même si ces 23% de gains sont atteints, ils seront encore loin des 40% sous-tendus par la stratégie nationale bas carbone, concède la PFA, qui propose « d’agir sur d’autres leviers » reposant « principalement sur l’évolution des usages ».
Parmi les pistes évoquées: « la baisse des kilométrages parcourus », notamment « à travers l’autopartage » ou le covoiturage, le report vers des « mobilités douces et collectives », tels que le vélo et les transports en commun. La filière automobile mentionne aussi, plus classiquement pour elle, « un meilleur entretien des véhicules en circulation », et la piste des carburants d’origine non-fossile pouvant se substituer aux produits pétroliers.
Autre raison pour laquelle les véhicules électriques ne sont pas une solution miracle à court terme, malgré une production d’électricité en France plus décarbonée que celle des pays voisins: ils émettent « en moyenne deux fois plus de CO2 à la fabrication » que les véhicules thermiques, reconnaît la PFA, qui préconise une « relocalisation de la production », en particulier des batteries.
De leur côté, les représentants de la filière des véhicules lourds (camions, autocars, engins de chantier…) ont souligné, dans leur feuille de route distincte, que l’électrification concernait dans l’immédiat surtout « les véhicules de faible tonnage réalisant des opérations de courte distance », même si les autobus électriques ont effectué une importante percée, représentant en 2022 37% des nouvelles immatriculations.
Déjà répandus, les camions fonctionnant au gaz naturel véhicule (GNV, éventuellement fabriqué à partir de biométhane), sont « adaptés à de très nombreux usages immédiatement », selon ce document, tandis que l’hydrogène, prometteur pour le transport longue distance, souffre encore aujourd’hui de prix de véhicules « très élevés ». Le rapport préconise un soutien public à l’achat pour passer des véhicules diesel à ceux fonctionnant à ces énergies alternatives, évalué à « 200 à 300 millions d’euros annuels avec une augmentation progressive au cours des cinq prochaines années ».
« Si les transports représentent 30% des émissions, ils sont aussi le premier secteur de solutions pour la transition. La voiture ne peut pas être un impensé de cette ambition. L’Etat sera au rendez-vous pour soutenir les filières de la voiture électrique et des véhicules lourds décarbonés », a promis le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune.