Un tribunal finlandais a récemment ordonné la saisie d’actifs russes d’une valeur estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars à la demande de Naftogaz, l’entreprise publique ukrainienne de gaz. Cette décision représente une étape importante dans la stratégie mondiale de Naftogaz pour obtenir compensation suite à la perte de ses actifs en Crimée en 2014, à la suite de l’annexion de la péninsule par la Russie.
L’affaire remonte à avril 2023, lorsqu’un tribunal d’arbitrage basé à La Haye a ordonné à la Russie de verser 5 milliards de dollars à Naftogaz en compensation des dommages subis lors de la saisie de ses actifs en Crimée. Moscou n’ayant pas honoré ce jugement, Naftogaz a engagé des procédures judiciaires dans plusieurs pays, cherchant à faire reconnaître et exécuter ce jugement sur des actifs russes situés à l’étranger.
Première saisie d’actifs hors d’Ukraine
La décision de la cour d’Helsinki marque une première publique : il s’agit de la première saisie réussie d’actifs russes en dehors de l’Ukraine visant à appliquer une décision de justice internationale dans des affaires de spoliation de biens ukrainiens par la Russie. Selon Naftogaz, cette décision s’inscrit dans une série d’actions menées par l’entreprise pour récupérer ses biens confisqués en Crimée. Elle prévoit d’intensifier ces démarches dans d’autres juridictions où des actifs russes sont localisés.
Dans une déclaration, Oleksiy Chernyshov, directeur général de Naftogaz, a salué cette avancée en la qualifiant de « progrès vers la restauration de la justice ». Il a affirmé que la société poursuivrait « tous les mécanismes disponibles » pour récupérer les fonds dus.
Procédures internationales pour la reconnaissance de l’arbitrage
Avant cette décision en Finlande, Naftogaz avait obtenu la reconnaissance de l’arbitrage en sa faveur au Royaume-Uni en décembre 2022. En juin 2023, la société a également déposé une demande auprès du tribunal du District de Columbia aux États-Unis pour l’application de la décision de La Haye sur les actifs russes situés sur le sol américain. Ces démarches reflètent une volonté d’élargir le champ d’application de l’arbitrage dans des juridictions clés, rendant plus difficile pour la Russie d’échapper aux obligations financières imposées.
Contexte de la saisie des actifs en Crimée
Naftogaz détenait en Crimée divers actifs pétroliers et gaziers avant l’annexion russe de 2014, dont des installations de stockage de gaz et des plateformes de forage d’une valeur de 400 millions de dollars chacune. Ces actifs comprenaient également la société ChornomorNaftoGaz, un producteur de gaz, qui avait produit 1,65 milliard de mètres cubes (Bcm) de gaz en 2013, avec une augmentation de la production prévue pour atteindre 3 Bcm en 2015. La Russie a également saisi environ 2 Bcm de gaz stockés par Naftogaz dans les infrastructures souterraines de Crimée.
Conséquences pour la production de gaz ukrainienne
La perte des actifs de Naftogaz en Crimée a affecté la capacité de l’Ukraine à produire du gaz naturel, un défi accentué par le conflit militaire en cours depuis l’invasion russe de 2022. Bien que la production nationale de gaz ait chuté à 18,5 Bcm en 2022, Naftogaz a réussi à augmenter sa production l’année suivante, atteignant 18,7 Bcm, et prévoit une nouvelle hausse pour répondre aux besoins hivernaux sans recourir à des importations européennes coûteuses. L’indépendance énergétique est devenue une priorité pour Kyiv, en particulier face aux prix élevés du gaz en Europe, où le tarif de référence néerlandais TTF pour le mois suivant était de 43,47 euros par mégawattheure (MWh) le 25 octobre.