Située à environ 45 kilomètres des côtes belges, l’île artificielle nommée « Princesse Elisabeth » est une initiative majeure dans la transition énergétique de la Belgique. Ce projet s’étend sur six hectares et regroupe les installations pour le transport de l’électricité provenant de plusieurs parcs éoliens offshore. Avec l’intégration de transformateurs et de câbles sous-marins, cette plateforme doit servir de « hub électrique » pour acheminer le courant vers la Belgique et ses voisins européens. Lancé en 2021, ce projet est perçu comme une étape clé pour réduire la dépendance belge aux énergies fossiles.
Le gouvernement belge prévoit l’installation de parcs éoliens offshore d’une capacité de 3,5 gigawatts (GW), une puissance suffisante pour couvrir près de 30% des besoins énergétiques nationaux et alimenter tous les foyers belges. Cependant, l’ampleur du projet et ses ambitions écologiques se heurtent à une flambée des coûts sans précédent. Initialement évalué à 2,2 milliards d’euros, le budget de l’île Princesse Elisabeth a récemment été réévalué à 7 milliards d’euros, un triplement qui alarme les décideurs politiques et les acteurs industriels.
Des raisons financières et géopolitiques complexes
La ministre belge de l’Énergie, Tinne Van der Straeten, a exprimé sa préoccupation quant à cette envolée des coûts. Selon elle, le conflit en Ukraine et la dépendance européenne au gaz russe ont indirectement provoqué une hausse des prix des équipements et des matériaux nécessaires au projet. « Dans tous les pays, on veut acheter le même matériel : câbles, convertisseurs AC/DC pour l’électricité et même l’accès aux navires », a déclaré Frédéric Dunon, PDG d’Elia Transmission Belgique, l’entreprise chargée du projet.
Ces contraintes ont également entraîné des retards dans la mise en place du chantier. Les coûts des matériaux et la logistique complexe autour de la construction de cette île en pleine mer ont obligé Elia à revoir son budget initial et à solliciter un soutien financier de la Banque européenne d’investissement, qui a accordé un prêt de 650 millions d’euros pour contribuer au financement du projet.
Impact sur les consommateurs et le débat politique
Le secteur industriel belge, principal consommateur d’énergie, craint que les dépassements budgétaires n’entraînent une augmentation des factures d’électricité. Certaines voix parmi les industriels et les économistes remettent en question la viabilité économique du projet et appellent à une révision de ses objectifs initiaux. Par ailleurs, les ONG environnementales et les partis écologistes continuent de soutenir le projet, insistant sur ses impacts positifs pour la biodiversité marine, notamment avec l’installation d’un récif artificiel et des mesures de protection pour les oiseaux marins.
En dépit de ces soutiens, le financement européen pourrait ne pas suffire à combler le déficit budgétaire, et des inquiétudes se posent quant à la capacité du futur gouvernement belge à soutenir un tel investissement dans le contexte actuel de rigueur budgétaire.
Un projet essentiel face aux incertitudes climatiques
L’île Princesse Elisabeth s’inscrit dans la stratégie européenne visant à atteindre 42,5% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Face à la montée de l’extrême droite en Europe et aux discours climato-sceptiques, la réalisation de cette île artificielle revêt une dimension symbolique pour les écologistes, qui craignent un retour aux énergies fossiles si le projet venait à être interrompu.
La ministre Van der Straeten insiste sur la nécessité de réaliser des « projets transformateurs » pour l’avenir énergétique de l’Union européenne. Elle souligne que les investissements en infrastructures de grande envergure sont essentiels pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Le débat sur la durabilité de ce projet en mer du Nord s’étend donc au-delà de la Belgique, mettant en lumière les défis financiers et politiques que rencontrent les initiatives écologiques d’envergure en Europe.