La progression marquée des capacités de regazéification à travers l’Europe a été amorcée dans un contexte de réorientation des approvisionnements. Plusieurs États se sont dotés d’unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU) pour augmenter leur flexibilité d’importation. Pourtant, la baisse significative des importations de GNL, constatée cette année, suggère que ces installations ne fonctionnent pas à plein régime. Selon des informations recoupées, l’Europe a importé moins de GNL qu’au cours de certaines années précédentes, indiquant un usage restreint d’installations nouvellement mises en service.
Ralentissement de la construction d’installations
Des données sectorielles font état d’une croissance plus modeste des infrastructures de regazéification pour 2024, avec environ 1 million de tonnes supplémentaires de capacité mensuelle ajoutée, contre 3 millions l’année précédente. Cette tendance s’explique en partie par la compétitivité variable du GNL face aux livraisons par gazoduc. En effet, les flux de gaz en provenance de Russie, de Norvège ou d’Algérie ont couvert une partie importante de la demande intérieure, réduisant la nécessité d’importer du GNL sur le marché au comptant. L’écart de prix entre les cargaisons de GNL et le gaz acheminé par pipeline demeure étroit, ce qui n’incite pas les opérateurs à maximiser l’utilisation des terminaux.
Le ralentissement s’observe également dans certains pays qui disposent déjà d’une capacité excédentaire. Des installations, autrefois censées répondre à une rupture prolongée du transit russe, sont utilisées à des taux de fonctionnement inférieurs à leur potentiel. Cette sous-utilisation résulte notamment d’arbitrages économiques : dès lors que le prix du GNL n’est plus nettement plus avantageux que celui du gaz par pipeline, les acheteurs privilégient la solution la plus rentable.
Utilisation des terminaux et flux de gazoducs
Les observations indiquent que certains terminaux, comme Gate Terminal (Gate), Fos Tonkin (Fos Tonkin) ou Adriatic LNG (Adriatic LNG), ont enregistré des niveaux d’activité relativement élevés. Des spécialistes estiment que des terminaux modernes et bien intégrés dans le réseau gazier peuvent rapidement répondre aux fluctuations du marché. Cependant, les flux continus de gazoducs depuis la Norvège ou l’Algérie ont permis à divers importateurs de limiter leurs achats de GNL, particulièrement lorsque la demande intérieure ne justifie pas un surcroît d’achats sur le marché spot.
La possibilité d’une réduction significative des volumes de gaz en provenance de Russie, en cas d’expiration d’accords de transit, suscite l’attention des opérateurs. Des sources indiquent qu’environ 42 millions de mètres cubes par jour de gaz pourraient être concernés, ce qui équivaudrait, selon certains calculs, à plusieurs cargaisons de GNL par mois. Une telle évolution amènerait logiquement à solliciter davantage les terminaux existants pour compenser les volumes perdus.
Évolution du différentiel de prix
Le marché européen du gaz Title Transfer Facility (TTF) est souvent comparé au prix de livraison du GNL sur les côtes du Nord du continent. Les relevés récents suggèrent que l’écart de prix entre le GNL livré et le gaz au TTF est moindre qu’à d’autres périodes, limitant l’opportunité de réaliser des bénéfices sur les cargaisons. Cette situation incite certains acteurs à différer ou à rediriger leurs importations de GNL vers des régions plus rémunératrices. Dans le même temps, le stockage de gaz sur le territoire européen demeure solide, grâce à la combinaison du pipeline et des livraisons ponctuelles de GNL lorsque les marges sont favorables.
Le rythme de construction de nouvelles installations de regazéification pourrait reprendre si la disponibilité de gaz par gazoduc se réduisait ou si les prix du GNL chutaient suffisamment pour redevenir plus compétitifs. Certains spécialistes jugent que cette dualité entre pipeline et GNL constitue un atout stratégique pour la région. Elle permet en effet de réagir rapidement aux variations du marché mondial de l’énergie, tout en s’assurant une certaine sécurité d’approvisionnement.
Les projections laissent entendre que si un volume important de gaz russe était définitivement retiré du marché européen, la dépendance à l’égard du GNL grimperait substantiellement. Avec des capacités de regazéification désormais disponibles dans plusieurs pays, le continent pourrait absorber un flux additionnel de méthaniers si les termes économiques le justifient. Cette flexibilité positionne l’Europe comme un acteur ouvert aux différentes formes d’approvisionnement, maintenant un équilibre entre gazoducs et cargaisons maritimes.