Aux États-Unis, la production d’hydrogène vert, qui repose sur l’électrolyse de l’eau alimentée par des énergies renouvelables, se développe dans un cadre de plus en plus exigeant. Le gouvernement fédéral, dans le cadre de l’Inflation Reduction Act, prévoit des crédits d’impôt (45V) pour encourager la production d’hydrogène décarboné. Toutefois, les conditions imposées pour l’obtention de ces crédits représentent un obstacle majeur pour les acteurs du secteur. Parmi ces conditions, on trouve l’obligation d’associer la production d’hydrogène à une consommation d’énergie renouvelable sur une base horaire, une exigence d’approvisionnement local, et le recours à des installations énergétiques nouvelles. Ces contraintes visent à garantir que l’hydrogène produit est réellement vert, mais elles introduisent une complexité supplémentaire dans la mise en œuvre des projets. Les producteurs d’hydrogène, en particulier ceux connectés aux réseaux électriques, doivent désormais rivaliser avec des entreprises consommatrices d’énergie, telles que les centres de données, qui n’ont pas à se conformer à ces mêmes règles. Cela les place en position de désavantage compétitif dans l’accès aux énergies renouvelables.
Concurrence pour l’accès aux énergies renouvelables
La concurrence pour l’accès aux énergies renouvelables s’intensifie dans plusieurs États comme la Californie, l’Oregon ou encore Washington. Ces régions, qui encouragent activement la production d’hydrogène décarboné, évaluent l’empreinte carbone de chaque projet. Pour obtenir des incitations fiscales, les producteurs doivent prouver que leur électricité provient de sources renouvelables. Cette exigence crée une véritable bataille pour l’accès à ces ressources, particulièrement face à des secteurs à forte intensité énergétique, tels que les géants technologiques et les centres de données, qui absorbent des quantités massives d’électricité.
Les centres de données en particulier, dont le nombre ne cesse de croître avec l’expansion des technologies d’intelligence artificielle et du cloud computing, nécessitent d’énormes quantités d’énergie. Cette concurrence pour l’électricité disponible pèse lourdement sur les projets d’hydrogène vert, surtout ceux qui dépendent des réseaux électriques. Le développement des projets d’hydrogène doit composer avec des coûts croissants et des délais d’interconnexion de plus en plus longs. Cette situation rend encore plus attractifs les projets d’hydrogène dits « hors réseau », où les producteurs développent leurs propres installations énergétiques, évitant ainsi de se retrouver en concurrence directe avec d’autres utilisateurs d’électricité renouvelable.
Un autre obstacle majeur pour les projets d’hydrogène vert est la traçabilité de l’électricité utilisée. Les nouvelles règles imposées par l’Inflation Reduction Act exigent que la consommation d’électricité renouvelable soit suivie en temps réel, sur une base horaire. Cela signifie que les producteurs doivent prouver que l’énergie qu’ils utilisent est verte au moment même où ils produisent de l’hydrogène. Cette traçabilité horaire représente un défi technologique, car peu de systèmes permettent actuellement de certifier l’origine de l’énergie avec une telle précision.
Seule la plateforme PJM-GATS aux États-Unis propose un suivi horaire des certificats d’énergie renouvelable, rendant l’accès aux crédits d’impôt encore plus complexe pour les producteurs. Pour les projets connectés au réseau, cette exigence ajoute un niveau supplémentaire de difficulté. En effet, il est souvent impossible de garantir que l’électricité tirée du réseau provient exclusivement de sources renouvelables, surtout dans des régions où l’approvisionnement en énergie verte est déjà saturé par la demande.
Défis et perspectives
Face à ces défis, certains acteurs du marché adoptent des solutions alternatives. Matt McMonagle, PDG de NovoHydrogen, explique que son entreprise privilégie un modèle où elle développe ses propres sources d’énergie renouvelable, connectées directement à ses électrolyseurs. Cette approche permet de garantir la traçabilité de l’électricité utilisée et de s’affranchir des contraintes liées à la concurrence pour l’accès aux énergies renouvelables via les réseaux publics. Toutefois, pour d’autres projets de NovoHydrogen, une connexion au réseau reste nécessaire, notamment en raison des grandes quantités d’énergie requises pour la production d’hydrogène.
Dans d’autres cas, certaines entreprises, comme H2B2 Electrolysis Technologies, développent des stratégies visant à intégrer verticalement leurs activités. Cela leur permet de mieux contrôler leur approvisionnement en énergies renouvelables tout en optimisant les coûts liés à la production. Cependant, le suivi horaire de l’électricité renouvelable demeure un défi majeur, notamment pour les projets situés dans des régions où les infrastructures de suivi ne sont pas encore en place.
La pression sur les réseaux énergétiques américains ne fait qu’augmenter. D’après les projections, les besoins des entreprises en énergies renouvelables devraient nécessiter jusqu’à 19 GW supplémentaires d’ici 2035. Cette demande massive, alimentée par l’électrification des transports et l’essor des nouvelles technologies, complique davantage l’accès à l’énergie pour les projets d’hydrogène.
Pour les producteurs d’hydrogène, la montée en puissance de ces concurrents représente un défi considérable. La capacité des réseaux à fournir une énergie propre en quantité suffisante devient de plus en plus limitée, ce qui nécessite des stratégies d’approvisionnement innovantes pour sécuriser des ressources énergétiques à long terme.