La centrale nucléaire de Three Mile Island, située en Pennsylvanie, est sur le point de vivre une renaissance inattendue. Fermée en 2019 pour des raisons économiques, l’unité 1 devrait reprendre du service en 2028 grâce à un partenariat de 20 ans avec le géant technologique Microsoft. Ce dernier utilisera toute l’électricité produite pour alimenter ses centres de données, consolidant ainsi l’intérêt croissant des entreprises technologiques pour des sources d’énergie bas carbone.
Le redémarrage de cette unité est accompagné d’estimations économiques prometteuses. Une étude menée par la confédération syndicale de la construction en Pennsylvanie prévoit la création de 3 400 emplois directs et indirects, ainsi que des recettes fiscales estimées à trois milliards de dollars pour les comtés voisins. « Cela profitera à de nombreuses collectivités, et même au pays tout entier », affirme Robert Bair, président de la confédération.
Une histoire marquée par la controverse
Pourtant, l’enthousiasme est loin d’être unanime. Three Mile Island reste associé au plus grave accident nucléaire de l’histoire américaine, survenu en 1979 sur l’unité 2, aujourd’hui définitivement fermée. L’événement, provoqué par une combinaison d’erreurs humaines et de dysfonctionnements techniques, a libéré des matières radioactives dans l’atmosphère. Bien que les autorités aient minimisé son impact, des riverains et militants continuent d’accuser les pouvoirs publics d’avoir dissimulé la gravité réelle des émanations.
Des études ont révélé des taux de cancers et de leucémies anormalement élevés dans les années qui ont suivi l’incident, bien qu’aucun lien direct n’ait été formellement établi. « Tant que les autorités ne reconnaîtront pas l’ampleur des dommages, je ne pourrai jamais approuver cette réouverture », déclare Maria Frisby, résidente de Middletown, qui a perdu plusieurs camarades de classe des suites de maladies qu’elle attribue à cet accident.
Un avenir énergétique sous conditions
Le projet de relance soulève également des préoccupations environnementales et techniques. Eric Epstein, responsable de l’association EFMR spécialisée dans la surveillance des radiations à Three Mile Island, pointe des questions encore en suspens, notamment sur l’approvisionnement en eau et le stockage des déchets radioactifs. Constellation, l’opérateur de la centrale, a assuré que les combustibles usés resteront entreposés sur place, conformément aux pratiques antérieures, et attend toujours le permis nécessaire pour garantir ses besoins en eau.
De l’autre côté, les défenseurs du projet insistent sur les garanties de sécurité renforcées dans le secteur nucléaire. « L’unité 1 était le réacteur le plus efficient du pays avant sa fermeture », rappelle Robert Bair, soulignant les réglementations strictes entourant ce type d’installation.
Un choix économique et stratégique
L’implication de Microsoft dans ce projet reflète un changement de paradigme dans le secteur de l’énergie. Avec l’essor de l’intelligence artificielle et des technologies cloud, les géants technologiques recherchent des sources d’électricité fiables et décarbonées, quitte à payer un coût énergétique plus élevé. Cette tendance positionne le nucléaire comme une alternative viable pour répondre aux besoins croissants en énergie tout en respectant les engagements environnementaux.
Cependant, les inquiétudes des communautés locales restent palpables. « L’énergie produite ne bénéficiera pas directement aux riverains », regrette Matthew Canzoneri, président du conseil municipal de Goldsboro, situé à proximité du site. Ce dilemme illustre un débat plus large sur le rôle du nucléaire dans la transition énergétique et son impact social.