Aux États-Unis, la récente signature de la loi HR 1042 par le président Joe Biden marque un tournant décisif dans la politique énergétique américaine. Ce texte législatif nommé « Prohibiting Russian Uranium Imports Act », interdira l’importation d’uranium russe jusqu’à la fin de l’année 2040. Il vise à renforcer la sécurité énergétique nationale et à réduire la dépendance américaine aux sources étrangères dans un contexte géopolitique tendu. En cause, notamment, la guerre en Ukraine menée par la Russie. Cependant, des dérogations limitées pourront être accordées par le DOE (Département de l’Énergie) pour des raisons spécifiques et stratégiques, offrant ainsi une certaine flexibilité aux acteurs du secteur nucléaire. Cette loi, intervenant dans un contexte de coopération internationale renforcée, a été vivement critiquée par la Russie. En effet, le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, avait qualifié cette interdiction de « concurrence déloyale ».
Processus de dérogation et critères d’éligibilité
Le DOE a détaillé les conditions pour accorder des dérogations à l’importation de quantités limitées d’uranium faiblement enrichi (LEU) en provenance de Russie. Ces dérogations, valables jusqu’au 1er janvier 2028, seront examinées par le Secrétaire à l’Énergie en consultation avec les Secrétaires d’État et du Commerce. Pour approuver une dérogation, ils doivent prouver qu’aucune source alternative viable de LEU n’est disponible pour maintenir le fonctionnement continu d’un réacteur nucléaire ou d’une entreprise américaine d’énergie nucléaire. De plus, l’importation peut être considérée d’intérêt national si elle répond à certains critères stratégiques.
Critères d’intérêt national et quantités limitées
Les autorités invoquent l’intérêt national si l’importation maintient la viabilité d’une entreprise nucléaire américaine cruciale pour la chaîne d’approvisionnement en combustible nucléaire des États-Unis. Elles peuvent également justifier l’importation pour soutenir un accord existant fournissant du combustible à une centrale nucléaire dans un autre pays, évitant ainsi que ce pays ne se tourne vers un fournisseur non américain. Les dérogations autorisent strictement des quantités de LEU : 476 536 kg en 2024, diminuant progressivement à 459 083 kg en 2027.
Tenex et la notification de force majeure
Selon un rapport de Bloomberg, le fournisseur d’uranium russe Tenex, une filiale de Rosatom, a récemment envoyé un avis de force majeure à ses clients américains, leur donnant 60 jours pour obtenir une dérogation. Tenex a affirmé son intention de respecter ses engagements contractuels, bien que les calendriers de livraison puissent nécessiter des renégociations pour les services publics ne disposant pas de dérogations dans le délai imparti.
Impact sur le secteur nucléaire américain
Cette nouvelle législation aura des répercussions significatives sur le secteur nucléaire américain, forçant les entreprises à chercher des alternatives viables à l’uranium russe. Cette situation pourrait également stimuler le développement de capacités de production domestiques et renforcer les alliances avec d’autres fournisseurs internationaux. La loi vise à sécuriser l’approvisionnement en combustible nucléaire tout en soutenant la compétitivité et la résilience du secteur énergétique américain face aux défis géopolitiques actuels.
L’interdiction des importations d’uranium russe et les mécanismes de dérogation introduits par la loi témoignent de l’engagement des États-Unis à renforcer leur indépendance énergétique. Cette mesure s’inscrit dans une stratégie plus large visant à sécuriser les approvisionnements critiques et à réduire la vulnérabilité face aux perturbations géopolitiques. Les acteurs du secteur devront naviguer dans ce nouveau paysage réglementaire avec prudence, en s’adaptant aux nouvelles exigences et en exploitant les opportunités pour renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement en énergie nucléaire.