Le périmètre étudié rassemble quarante sociétés parmi les plus importantes par leurs réserves prouvées d’hydrocarbures aux États-Unis. Ces sociétés sont réparties en trois groupes de pairs : « intégrées », « grandes indépendantes » et « indépendantes », selon que leurs activités incluent ou non le raffinage et la commercialisation. L’échantillon constitue un indicateur représentatif des tendances du secteur amont américain et regroupe une part substantielle de la production combinée pétrole-gaz du pays. L’étude précise la méthodologie fondée sur les rapports réglementaires à la United States Securities and Exchange Commission (SEC, Autorité américaine des marchés financiers).
Capex et M&A : la bascule vers les acquisitions
Les dépenses d’investissement totales (capex) atteignent 292,1 G$ US, soit une hausse de 108 % sur un an, et établissent un sommet sur la période quinquennale analysée. La progression provient essentiellement des fusions-acquisitions (M&A, fusions et acquisitions), qui totalisent 206,6 G$ US, en bond de 331 %. Les actifs ciblés se concentrent dans les bassins Permien, Eagle Ford et Bakken. Cette inflexion est matérialisée par un regain des acquisitions d’actifs non prouvés, représentant 42 % de la valeur des acquisitions — leur plus haut niveau sur la période, signe d’un intérêt pour l’inventaire de forages futurs.
Le détail par catégorie confirme le repli des dépenses d’exploration à 5,7 G$ US (–49 %) et une légère baisse des dépenses de développement à 79,8 G$ US (–2 %). Dans le même temps, le nombre de puits de développement et d’exploration forés augmente de 3 % en agrégé, ce qui illustre la poursuite des campagnes sur portefeuille tout en réallouant une partie du capital vers l’externe. Le plowback (plowback percentage, ratio des capex rapportés au netback — netback = chiffre d’affaires moins coûts de production) atteint 179 % contre 82 % un an plus tôt, reflétant mathématiquement la poussée des acquisitions intégrées au dénominateur via l’utilisation d’actions comme monnaie d’échange.
Revenus, coûts et résultats : un atterrissage contrôlé
Le chiffre d’affaires agrégé des sociétés étudiées s’établit à 235,5 G$ US (–3 %), pour un résultat avant impôt de 74,8 G$ US (–10 %). Les dépréciations totalisent 2,1 G$ US et demeurent inférieures à 3,0 G$ US chaque année depuis 2021. Les coûts de production par baril équivalent pétrole (BOE, baril équivalent pétrole) ressortent à 11,85 $ US/BOE, quasi stables (+1 %) sur un an ; l’étude note que cette stabilité se retrouve dans chaque groupe de pairs.
Par catégorie de pairs, les coûts unitaires 2024 s’inscrivent à 12,79 $ US/BOE pour les intégrées, 11,36 $ US/BOE pour les grandes indépendantes et 11,97 $ US/BOE pour les indépendantes. L’étude souligne que c’est la première fois sur la période quinquennale que la trajectoire des coûts unitaires diverge de celle des prix au comptant, traduisant des efforts d’efficience qui se mettent en place sur fond de consolidation.
Pétrole : réserves en hausse, flux soutenus par les achats
Les réserves prouvées de pétrole de l’échantillon atteignent 34 664 millions de barils (+5 % en glissement annuel). Les moteurs de variation incluent 5 247 millions de barils d’achats, 3 687 millions de barils d’extensions et découvertes, 65 millions de barils d’améliorations de récupération, un solde net de révisions positif de 0,5 milliard de barils, une production de 3 471 millions de barils et des cessions de 4 428 millions de barils. La dynamique 2024 se distingue par le poids des acquisitions, supérieur à celui de la croissance organique.
La production de pétrole de l’échantillon atteint un pic sur la période, à 3,5 milliards de barils, en hausse de 3 % sur un an. Le tableau des « tops » fait ressortir ConocoPhillips en tête des réserves de pétrole (3 986 millions de barils), suivi d’ExxonMobil (3 279 millions) et d’EOG Resources, Inc. (3 226 millions). Côté production, Chevron Corporation (422 millions de barils) devance ConocoPhillips (381 millions) et ExxonMobil (317 millions). Les hausses de production les plus marquées sont associées à des opérations de croissance externe finalisées durant l’année.
Pétrole : prix SEC et sensibilité des révisions
Le prix SEC du West Texas Intermediate (WTI, brut de référence américain), calculé comme moyenne arithmétique du premier jour de chaque mois, passe de 78,21 $ US/b à 76,32 $ US/b (–2 %). Cette variation entraîne des révisions négatives chez certains opérateurs, tandis que d’autres affichent des révisions techniques positives liées à des forages d’appoint et à des réévaluations de performances de réservoirs. Les plus fortes révisions positives proviennent de ConocoPhillips (+317 Mbbl), BP p.l.c. (+144 Mbbl), Ovintiv Inc. (+132 Mbbl), Occidental Petroleum Corporation (+115 Mbbl) et EOG Resources Inc. (+102 Mbbl). Les révisions négatives les plus importantes concernent ExxonMobil (–176 Mbbl) et Diamondback Energy, Inc. (–103 Mbbl).
Le coût d’acquisition des réserves prouvées (PRAC, Proved Reserve Acquisition Costs — coût d’acquisition des réserves prouvées) s’élève en moyenne à 12,77 $ US/BOE, soit +12 % sur un an et +161 % depuis 2020. L’écart de PRAC entre groupes de pairs est notable : en moyenne triennale, celui des intégrées dépasse de plus de 75 % celui des grandes indépendantes et des indépendantes, reflet des primes payées lors des « megadeals ». Pour mémoire, les PRAC 2024 ressortent à 25,32 $ US/BOE pour ExxonMobil, 13,56 $ US/BOE pour Diamondback Energy, Inc. et 15,50 $ US/BOE pour ConocoPhillips.
Gaz naturel : réserves en retrait, arbitrages prix-coûts
Les réserves prouvées de gaz atteignent 182 Tcf (182 002 Gpi³), en baisse de 4 % sur un an, après un sommet à 201 Tcf en 2022. Les variations intègrent 16 276 Gpi³ d’extensions et découvertes, des achats de 24,7 Tcf, des cessions de 27,2 Tcf et un solde de révisions nettes négatives de 6,5 Tcf, principalement lié au prix SEC du Henry Hub (2,07 $ US/MMBtu contre 2,59 $ US/MMBtu, –20 %). Le MMBtu (million British thermal units, million d’unités thermiques britanniques) est l’unité de référence utilisée pour le gaz dans l’étude.
La production de gaz s’établit à 15,7 Tcf (–5 %), le recul étant attribué à des prix déprimés et à une baisse de l’activité dans le Haynesville, plus sensible au coût complet. Sur la période quinquennale, la production gazière agrégée progresse de 17 %, mais la contribution par groupes diverge : +115 % pour les grandes indépendantes, +10 % pour les intégrées, et –48 % pour les indépendantes. Les grandes indépendantes représentent 60 % de la production gazière du panel.
Gaz naturel : remplacement de production et demande aval
Les taux de remplacement de production (production replacement rates) affichent des trajectoires contrastées. Tous apports confondus, le gaz atteint 139 % en 2024. Le « F&D » (finding and development — recherche et développement de réserves) hors révisions s’établit à 104 % pour l’ensemble, tandis que le F&D incluant les révisions reste inférieur à 100 % du fait des révisions techniques nettes négatives. Par groupes de pairs, « toutes sources » ressort à 270 % pour les intégrées, 219 % pour les grandes indépendantes et 78 % pour les indépendantes.
L’étude associe l’élévation des taux de remplacement « toutes sources » du gaz à l’intensification des acquisitions et à un recentrage sur le gaz afin de capter une demande proche et lointaine en gaz naturel liquéfié (LNG, liquefied natural gas — gaz naturel liquéfié), ainsi qu’une demande domestique anticipée liée à l’extension des centres de données portée par l’essor de l’intelligence artificielle (AI, artificial intelligence — intelligence artificielle). Ces éléments sont documentés en tant que facteurs sectoriels, sans préjuger de trajectoires géographiques ou de calendriers d’investissements spécifiques non publiés.
Distribution aux actionnaires et arbitrages de trésorerie
Les versements agrégés de dividendes et de rachats d’actions par les grandes indépendantes et indépendantes reculent de 25 % à 29,2 G$ US. Rapportés au netback, ces retours s’établissent à 31 % pour les grandes indépendantes (contre 36 %) et à 17 % pour les indépendantes (contre 18 %). Ces niveaux demeurent toutefois supérieurs à ceux observés en 2020-2021.
Dans le même temps, la part du netback affectée aux dépenses d’exploration et de développement s’érode légèrement chez les indépendantes (de 60 % à 56 %), et reste stable chez les grandes indépendantes (50 %). L’étude précise que nombre d’opérations de M&A ont été majoritairement réglées en actions, permettant de maintenir un niveau de distribution actionnariale tout en augmentant l’effort d’investissement total.
Acteurs dominants et transactions structurantes
En 2024, ExxonMobil est le premier acquéreur d’actifs (84,5 G$ US sur l’ensemble « prouvés » et « non prouvés »), devant Diamondback Energy, Inc. (36,8 G$ US) et ConocoPhillips (23,4 G$ US). Sur les seuls actifs prouvés, les cinq plus forts montants sont observés chez ExxonMobil (39 271 M$ US), Diamondback Energy, Inc. (21 275 M$ US), ConocoPhillips (12 415 M$ US), Expand Energy Corporation (10 010 M$ US) et Occidental Petroleum Corporation (8 963 M$ US). Côté actifs non prouvés, ExxonMobil (45 196 M$ US) précède Diamondback Energy, Inc. (15 568 M$ US) et ConocoPhillips (10 985 M$ US). En exploration, Devon Energy Corporation (690 M$ US), BP p.l.c. (655 M$ US) et ConocoPhillips (646 M$ US) forment le trio de tête, tandis qu’en développement, ExxonMobil (10 906 M$ US), Chevron Corporation (9 334 M$ US) et ConocoPhillips (9 109 M$ US) mènent le classement.
Les flux d’achats et de ventes de réserves pétrolières illustrent le rôle des « megadeals » : 5,2 milliards de barils achetés (dont 1 171 millions par Diamondback Energy, Inc., lié à Endeavor Energy Resources L.P., et 877 millions par ExxonMobil, lié à Pioneer Natural Resources Company) et 4,4 milliards de barils vendus, essentiellement du fait de la consolidation du panel (Pioneer, Southwestern, Marathon Oil, Callon, SilverBow, Enerplus étant passés sous contrôle d’autres sociétés du périmètre de l’édition 2025).
Périmètre, méthodologie et portée
Le champ 2025 se limite à quarante sociétés contre cinquante lors des millésimes précédents, en cohérence avec l’intensification des consolidations. Malgré cette réduction, la couverture demeure alignée, l’échantillon représentant environ 41 % de la production combinée US du millésime étudié. Les définitions de pairs sont inchangées : les intégrées combinent amont et aval, les indépendantes se concentrent sur l’amont, et les « grandes indépendantes » franchissent le seuil d’un milliard de BOE en réserves mondiales en fin d’exercice.
Le classement gazier souligne l’importance d’EQT Corporation, première par les réserves (24 545 Gpi³) et la production (2 086 Gpi³) sur le panel 2024, tandis que les effets des acquisitions expliquent des écarts entre 2023 et 2024 dans l’ordre des principaux détenteurs ou producteurs rapportés par l’étude. Le tableau présente également ExxonMobil, Range Resources Corporation, Antero Resources Corporation et, pour la production, Coterra Energy Inc. et Chevron Corporation parmi les volumes les plus élevés.
Repères opérationnels pour comités d’investissement
Les faits établis par l’étude EY décrivent un arbitrage clair : multiplication des capex consolidants, stabilisation des coûts unitaires, hausse des réserves pétrolières portée par les achats et retrait des réserves gazières en lien avec la baisse du prix SEC. Les taux de remplacement « toutes sources » sont plus élevés pour le gaz que pour le pétrole, en partie du fait des acquisitions, tandis que les retours aux actionnaires se normalisent sans disparaître. Les zones géologiques ciblées par les transactions montrent une préférence pour des inventaires forables abondants, avec une part accrue d’actifs non prouvés. Les séries chiffrées et définitions normalisées (SEC, WTI, BOE, PRAC, netback, F&D) fournissent un référentiel homogène pour l’analyse financière et la planification industrielle.