Alors que les sanctions envers la Russie s’additionnent, l’Europe a du mal à se séparer des produits pétroliers russes. Pourtant, la situation géopolitique oblige les pays européens à faire des choix drastiques au péril de leur sécurité énergétique. Que reste-t-il du pétrole russe en Europe, six mois après l’invasion en Ukraine?
Bien que les sanctions visent la Russie, elles ont également des conséquences sur les Européens. Ce mardi, l’Ukraine suspend les flux de pétrole, en raison des sanctions occidentales. Cette suspension touche la principale voie de transit des exportations de pétrole russe vers l’Europe.
Néanmoins, grâce à ses ressources énergétiques, la Russie dispose d’une marge de manœuvre lui permettant de continuer à faire pression sur les Européens.
L’Europe boycott le pétrole russe
Suite à l’invasion de l’Ukraine, de nombreux pays européens décident volontairement de suspendre leurs achats ou prévoient de le faire à l’avenir.
En mai, l’Union européenne complète en interdisant la plupart des importations de brut et de produits pétroliers russes d’ici la fin de l’année. Toutefois, les raffineries enclavées d’Europe de l’Est et d’Allemagne s’en trouvent exclues. Cette interdiction est susceptible d’interrompre environ 90% de flux russe en Europe.
Pour rappel, l’Allemagne et la Pologne se situent sur la branche nord de l’oléoduc Druzhba. De même, les Pays-Bas ont été le premier importateur européen de produits raffinés russes.
Face à l’inflation des prix de l’énergie, l’efficacité des sanctions peut être remise en question.
De ce fait, Stefan Lehne, chercheur au Carnegie Europe, déclare:
« Je crois que très peu d’experts sérieux pensaient que l’économie russe pouvait s’écrouler et pousser ainsi Vladimir Poutine à mettre un terme à la guerre. Je pense que les sanctions de l’UE sont conçues pour le moyen et le long terme et elles ont déjà un impact. Et ceux – qui affirment que l’Union souffre davantage des sanctions que la Russie – ont tout simplement tort. Le produit intérieur brut russe devrait chuter de 11,4% en 2022. Et la croissance de l’UE devrait progresser de 2,7%. De plus, l’inflation est élevée dans l’Union autour de 8%, mais elle est deux fois plus élevée en Russie. Donc il n’y a aucun doute sur le fait que les sanctions ont un impact important et qu’elles font sérieusement augmenter le coût de la guerre. »
La difficile séparation
Selon l’IEA, les exportations russes de brut et de produits pétroliers constituaient la principale source d’approvisionnement de l’Europe. Autrement dit, la Russie approvisionnait la moitié des besoins en pétrole des pays européens avant l’invasion.
En 2021, les importations de brut de l’EU s’élèvent à 2,2 millions de barils par jour. Parmi cette donnée, 0,7 million de bpj transitent par pipeline. Les produits pétroliers russes représentent 1,2 million bpj. La part du diesel est de 0,5 million de bpj.
D’après l’IEA:
« L’Allemagne, la Pologne et les Pays-Bas étaient les principaux acheteurs de pétrole brut russe de l’UE en 2021. »
En outre, le problème se complexifie puisque, dans certains cas, des sociétés russes détiennent des raffineries européennes. À titre d’exemple, en Allemagne, Rosneft détient majoritairement la raffinerie PCK Schwedt de 233.000 bpj.
Les pays de l’Est en première ligne
Étant donné la proximité géographique avec la Russie, les pays de l’Est dépendent le plus des importations de pétrole russe. S’ajoutent à cela, parfois, une situation d’enclavement des pays ou des alternatives limitées aux produits russes. On peut citer notamment les pays qui se situent à proximité du tracé sud de l’oléoduc ukrainien, Druzhba.
Outre la voie terrestre, certains pays comme la Finlande ou la Lituanie importent le pétrole russe par la mer. Les importations russes représentent 80% pour les deux pays. Néanmoins, les pays en question déclarent avoir cessé l’achat de pétrole brut à Moscou.
Le boycott russe impacte également les pays européens qui doivent revoir leur mix énergétique. Ce mardi, les sanctions occidentales empêchent le transit du pétrole par le biais du tronçon sud de l’oléoduc ukrainien, Druzhba (ou Friendship). Pour cause, ces sanctions empêchent le paiement des frais de transit.
Par conséquent, cette suspension de flux de brut russe impacte la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque. Les pays concernés ne reçoivent plus 250.000 bpj, c’est un tiers de leurs importations russes.
À savoir, les principaux acheteurs d’Oural dans la région sont les sociétés hongroises, MOL et Unipetrol, détenues par le polonais PKN Orlen.
Ainsi, le boycott du pétrole russe se révèle parfois impossible dans certaines parties de l’Europe. Pourtant, les sanctions économiques constituent le seul moyen pacifique de pouvoir arrêter le belligérant russe.