Enilive, division biocarburants d’Eni, enregistre un Excédent Brut d’Exploitation ajusté trimestriel de 233 M€, en progression de 35 % portée par la normalisation des marges. Les spreads européens du Hydrotreated Vegetable Oil (huile végétale hydrotraitée, HVO) adossés aux huiles de cuisson usagées (Used Cooking Oil, UCO) atteignent 1 143 $/t, contre 613 $/t auparavant, soit +86 %. Les spreads américains du Renewable Diesel (diesel renouvelable, RD) ressortent à 420 $/t, en baisse de 45 % sur un an dans un contexte d’offre plus abondante. Les volumes traités atteignent 315 kilotonnes sur le trimestre (+14 %), avec un facteur d’utilisation de 85 % contre 74 % précédemment, et un cumul neuf mois à 881 kilotonnes, en retrait par rapport à 952 kilotonnes du fait d’arrêts planifiés.
Conversions en Italie : Livourne, Sannazzaro et Priolo
La conversion de Livourne est soutenue par un financement de 500 M€ accordé par la Banque européenne d’investissement (European Investment Bank, EIB) sur longue maturité. Le schéma industriel inclut une unité de prétraitement biogène et une capacité Ecofining de 500 kilotonnes par an destinée aux carburants hydrotraités. L’objectif est de stabiliser la qualité d’intrants hétérogènes et d’améliorer les rendements du procédé Hydroprocessed Esters and Fatty Acids (esters et acides gras hydrotraités, HEFA). La flexibilité produit autorise des bascules entre HVO routier et Sustainable Aviation Fuel (carburant d’aviation durable, SAF) selon les signaux prix.
Sannazzaro de’ Burgondi prévoit la conversion d’unités existantes avec intégration d’un prétraitement déchets/résidus et une capacité cible de 550 kilotonnes par an. Cette configuration vise une meilleure tolérance aux variabilités de matière et une réduction des pertes en amont de l’hydrotraitement. Priolo ajoute une bioraffinerie d’environ 500 kilotonnes par an, un prétraitement et une production d’hydrogène, complétés par un recyclage chimique d’environ 40 kilotonnes par an opéré via la technologie de Versalis. L’échelonnement industriel s’appuie sur Gela et Venise-Porto Marghera pour ancrer la continuité d’exploitation.
Ancrages internationaux : Corée, Malaisie et diversification américaine
En Corée du Sud, la coentreprise entre LG Chem et Enilive engage une installation de l’ordre de 400 kilotonnes par an dédiée au HVO/SAF, avec une cible de mise en service industrielle en milieu de décennie. La localisation capitalise sur des écosystèmes pétrochimiques établis et des corridors adaptés aux flux de carburants renouvelables. En Malaisie, un projet en développement vient compléter l’axe Asie afin d’augmenter la couverture régionale et d’ouvrir des capacités d’export compatibles avec les schémas de certification reconnus en Europe. Ces hubs étalent les démarrages pour limiter une entrée simultanée d’offre et lisser les ramp-ups.
Aux États-Unis, l’actif de Louisiane fournit une exposition complémentaire aux différentiels de marges régionaux du RD. Cette exposition diversifie les flux lorsqu’un marché se contracte et contribue à l’absorption des variations de spreads. La coordination des maintenances, des démarrages et de la disponibilité hydrogène demeure un levier de stabilité opérationnelle. La standardisation des trains de procédés facilite la réplication des meilleures pratiques entre zones.
Marché, prix et signaux de demande
Les références de produits estérifiés montrent des ajustements journaliers : FAME 0 cote à 650,25 $/t, RME à 714,75 $/t et UCOME à 812,25 $/t, en repli respectif d’environ 5,38 %, 3,7 % et 5,41 % sur la dernière séance. Ces mouvements décrivent une pression ponctuelle sur des segments esters, tout en conservant des différentiels favorables aux chaînes HEFA. Le mandat européen ReFuelEU Aviation fixe un mélange SAF à 2 %, puis 6 % et 70 % à des horizons successifs, offrant une trajectoire de demande contrainte pour l’aviation. La Directive sur les énergies renouvelables (Renewable Energy Directive, RED) encadre l’usage des déchets et résidus, conditionnant l’éligibilité des volumes et la bancabilité des investissements.
La montée du prétraitement multi-matières vise à sécuriser l’intégrité des flux UCO et graisses animales et à stabiliser les rendements aval. Les contrats d’enlèvement dans l’aérien intègrent des clauses de qualité, d’intensité carbone et de remédiation en cas d’écart de conformité. Les contrôles renforcés sur certaines origines d’intrants peuvent modifier les coûts d’approvisionnement et les arbitrages de paniers matières. La capacité à documenter la conformité et la performance de procédé reste un déterminant d’accès aux primes et aux volumes sous mandat.
Capacité agrégée, guidance et exécution
La capacité biorefining visée atteint 1,65 million de tonnes par an à court terme, avec 1 million de tonnes par an additionnel en construction. La guidance d’Enilive vise un Excédent Brut d’Exploitation ajusté pro forma d’environ 1 milliard d’euros, soutenu par la normalisation des spreads européens et la flexibilité produit. Le maillage Italie–Asie–États-Unis répartit la courbe d’investissements et lisse la montée en utilisation des sites. Les jalons d’autorisation, de construction et de démarrage conditionnent la capture des différentiels de prix.
Le socle existant à Gela, Venise-Porto Marghera et Louisiane soutient les flux pendant les phases de conversion et d’extension. L’intégration d’unités hydrogène et le pilotage des catalyseurs et maintenances planifiées contribuent à la stabilité opérationnelle. La sensibilité aux coûts d’intrants demeure le principal facteur d’aléa à court terme. L’évolution des spreads HVO-UCO et des primes liées aux schémas de conformité orientera l’allocation produit entre HVO et SAF.