Exploiter l’énergie solaire du Sahara est à l’étude depuis plus de 10 ans, mais un projet d’une telle ampleur ne serait pas sans conséquence. Les panneaux solaires dans le Sahara relâcheraient en effet trop de chaleur dans l’atmosphère. Une ferme solaire saharienne contribuerait ainsi au réchauffement climatique. À terme, les chercheurs affirment que cela pourrait donc provoquer de nombreuses catastrophes écologiques.
L’énergie solaire du Sahara convoitée depuis plus de 10 ans
David Macklay, précurseur du projet d’un Sahara Solaire
Exploiter l’énergie solaire du Sahara est un projet ayant plus d’une dizaine d’années. Feu David MacKay, physicien et spécialiste britannique très réputé de l’énergie, publiait en 2008 l’ouvrage « Sustainable Energy – without the hot air ». Il affirmait dans ce livre que « toute la puissance du monde pourrait être fournie par une zone carrée de 100 km sur 100 km au Sahara. ». De fait, cette information ouvrait la porte à un projet de parc solaire géant, d’un Sahara solaire.
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Faible densité de population et irradiance élevée
La faisabilité de la théorie de Macklay a ensuite été étudiée par de nombreux chercheurs. Une étude a notamment été publiée en 2018 dans la revue Science. L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) s’est aussi penchée sur la question.
Il en ressort qu’une grande partie des régions de la MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient) présentent l’avantage de faibles densités de population. De plus, l’irradiance normale directe (DNI) est globalement élevée, généralement bien au-dessus du niveau de 1800/kWh/M2/p.a. Des panneaux dans le Sahara deviendrait donc parmi les plus efficients au monde.
Il existe actuellement deux technologies pour produire de l’électricité solaire dans ce contexte. Soit l’énergie solaire concentrée (CSP), soit les panneaux solaires photovoltaïques réguliers.
Le CSP semble l’alternative la plus adaptée au terrain. En raison du soleil direct, du manque de nuages et des températures élevées qui le rendent plus efficace. Mais les chercheurs préconisent d’intégrer les deux technologies pour développer un système hybride.
Un potentiel d’exploitation de 22 milliards de GWh/an.
Au total, le Sahara couvre 9 millions de m2. Il est donc spacieux, relativement plat et riche en silicium : matière première des semi-conducteurs à partir desquels les cellules solaires sont fabriquées.
Selon le rapport 2019 de l’IRENA, la région MENA a vu sa capacité totale d’énergie solaire croitre de manière exponentielle. Elle est passée de 40.277 MW en 2010 à 580.159 MW en 2017. Soit un taux de croissance annuel moyen de 175 %.
Et selon les estimations de la NASA, chaque mètre carré du Sahara reçoit entre 2000 et 3000 kWh d’énergie solaire par an. L’énergie solaire du Sahara disponible est donc supérieure 22 milliards de GWh / an.
Selon l’étude de 2018, une fois transformé en ferme solaire, le Sahara pourrait ainsi répondre quatre fois à la demande énergétique mondiale actuelle. Par conséquent, des plans ont notamment été élaborés pour des projets en Tunisie et au Maroc.
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Un développement économique sans précédent de la région MENA ?
Une interconnexion et un commerce accru de l’énergie avec la région MENA offriraient d’énormes avantages. Cela comprend la possibilité pour les pays exportateurs de promouvoir une croissance et un développement économique durable.
Non seulement cela pourrait stimuler l’emploi, mais cela permettrait aussi de réduire ou d’améliorer la situation des points névralgiques des conflits régionaux.
En ce sens, la stratégie panarabe adoptée en 2019 établit une base solide pour la coopération régionale. Afin de stimuler le déploiement futur de l’énergie solaire, la région s’engage à augmenter la capacité de production d’énergie renouvelable installée. L’objectif est d’atteindre 80 GW d’ici 2030.
Mais d’autres contraintes s’ajoutent pour fournir à terme de l’énergie issue de panneaux solaires du Sahara vers le reste du monde. De nombreux efforts sont en effet nécessaires, principalement dans les domaines du stockage et du transport de l’énergie. Pire encore, un Sahara Solaire dérèglerai grandement le climat, jusqu’à modifier la nature de ce biotope.
Exploiter l’énergie solaire saharienne accélèrerai le réchauffement climatique
Solariser le Sahara pourrait le transformer en oasis
Un des effets hypothétique d’une ferme solaire massive dans le Sahara est de voir le désert se transformer en oasis. En ce sens, dans l’étude de 2018, les chercheurs ont créé un modèle climatique pour simuler les effets de l’albédo (pouvoir réfléchissant d’une surface) sur la surface terrestre des déserts.
Ainsi, naturellement les panneaux solaires sont plus foncés que le sol. De fait, si une ferme solaire couvrait ne serait-ce que 20% de la totalité du Sahara, elle déclencherait alors une boucle de rétroaction.
La chaleur émise créerait une différence de température abrupte entre la terre et les océans environnants. Cela aurait pour conséquence d’abaisser la pression de l’air à la surface et de condenser l’air humide en gouttes de pluie. L’environnement saharien deviendrait plus humide et verrai sa végétation s’étendre rapidement. En somme, des sortes d’oasis prendrait place sur ces terres autrefois arides et stériles.
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Solariser le Sahara pourrait réchauffer les glaciers
Bien que cela semble prometteur, exploiter l’énergie solaire du Sahara contribuerai au réchauffement climatique. Couvrir 20% du Sahara augmenterait alors les températures locales de 1,5°C . Une couverture de 50% augmenterai la température de 2,5°C.
Le changement de température planétaire n’est cependant pas uniforme. Les régions polaires se réchauffant plus que les tropiques, cela augmenterait aussi la fonte des glaces dans l’Arctique. Par effet boule de neige, le réchauffement en serait alors accéléré. En ce sens, la fonte de la glace de mer expose l’eau subglaciaire à la surface. Cette eau étant noire, elle absorbe énormément de chaleur.
Solariser le Sahara pourrait assécher l’Amazonie
Cette nouvelle source de chaleur massive au Sahara réorganiserait également la circulation mondiale de l’air et des océans. Et ce, en affectant les régimes de précipitations dans le monde entier.
Parmi les effets cités dans les études sur le sujet, on retrouve notamment la sécheresse en Amazonie. Du fait d’une moins grande humidité en provenance de l’océan.
Le modèle de l’étude de Science prévoit également des cyclones tropicaux plus fréquents frappant les côtes nord-américaines et d’Asie orientale.
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Finalement, trop de chaleur exploitable
En général, seulement 15 à 20% de l’énergie solaire entrante sur une surface absorbante donnée (panneaux solaires) ne peut être exploitée et convertie en électricité. Le reste retourne à l’environnement sous forme de chaleur.
Si tous ces effets exposés étaient seulement localisés, leur importance serait relativement couverte par l’équilibre naturel. A contrario, une réponse complète aux besoins énergétiques mondiaux actuels ne pourrait se contenter d’installations solaires seulement localisées. Par conséquent, cela reviendrai, selon les études exposées, à accélérer le réchauffement climatique.