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Énergie de Fusion : Rivalités Stratégiques et Enjeux Économiques

Les États-Unis et la Chine s’engagent dans une course mondiale pour maîtriser l’énergie de fusion, entre investissements massifs, innovations technologiques et stratégies industrielles. Au cœur de ces ambitions, la volonté d’imposer un leadership énergétique et de redessiner les équilibres économiques.

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Interviews & Podcast réalisés par Charlotte de FRAMOND:

Dans le domaine de l’énergie de fusion, la compétition s’intensifie entre deux puissances majeures. Les États-Unis, forts d’un écosystème privé dynamique, multiplient les startups et captent l’essentiel des investissements mondiaux. La Chine, de son côté, s’appuie sur une planification méthodique et une industrie solide pour mettre en service des réacteurs à grande échelle. Dans ce contexte, la question du leadership énergétique prend une dimension géopolitique : celle ou celui qui maîtrisera en premier cette source d’énergie quasi illimitée pourrait influer sur l’ordre mondial, imposant ses normes et orientant les flux financiers liés à la fusion.

Développement aux États-Unis et Culture du Risque

Les États-Unis concentrent la moitié des initiatives mondiales en fusion, avec plus de 7 milliards de dollars déjà investis dans ce secteur. Les plus grandes levées de fonds se distinguent chez Commonwealth Fusion Systems (CFS), soutenue à hauteur de plus de 2 milliards de dollars, ainsi que chez Alien Energy, qui vise à produire de l’électricité dès 2028. Cet élan se nourrit d’une culture de l’innovation, où les capitaux privés affluent vers les technologies de rupture. Les résultats se font déjà sentir : seul pays à avoir généré une énergie nette par fusion, les États-Unis détiennent aussi le record de température de plasma, établi à 510 millions de degrés.

Les pouvoirs publics soutiennent cet élan. L’Energy Act de 2020 réserve près d’un milliard de dollars annuel à la recherche en fusion. Des programmes ciblés, comme le Milestone-Based Fusion Development, allouent des fonds à des entreprises prometteuses, tout en simplifiant les procédures administratives grâce à l’Advance Act de 2023. Toutefois, la chaîne d’approvisionnement reste fragile, notamment pour les fils supraconducteurs haute température et les lasers de forte puissance. Autre défi : le manque de main-d’œuvre spécialisée, conséquence d’une filière émergente nécessitant des ingénieurs formés à la physique du plasma et à l’ingénierie thermonucléaire.

La Méthode Chinoise et la Force Industrielle

La Chine adopte une approche centralisée, misant sur des infrastructures lourdes et une planification étatique. À Hefei, le CFETR vise à fournir un gigawatt d’électricité d’ici 2035, tandis que le réacteur surnommé « soleil artificiel » a déjà maintenu un plasma pendant 20 minutes. Soutenue par le 14e plan quinquennal, la filière fusion s’arrime à une industrie nucléaire en pleine expansion. En fission, la Chine prévoit 150 réacteurs supplémentaires d’ici 2035, tirant parti de sa maîtrise éprouvée des grands chantiers. Cette capacité de déploiement rapide attire l’attention de nombreux analystes, qui estiment que Pékin pourrait prendre l’avantage si elle parvient à déployer des réacteurs de fusion à bas coût.

La politique chinoise s’appuie également sur la formation de milliers de physiciens du plasma et le dépôt massif de brevets dans les technologies de fusion. Des organismes publics financent la R&D, offrant ainsi une cohérence entre les labos de recherche et l’industrie. En parallèle, l’État sécurise l’approvisionnement en matériaux critiques et mobilise ses champions nationaux pour franchir les paliers technologiques encore nécessaires. Certains observateurs s’interrogent toutefois sur les règles de concurrence internationale, craignant que la Chine n’impose ses standards et exerce une forme de monopole sur les équipements et la propriété intellectuelle liés à la fusion.

Vers un Équilibre Global ou une Supériorité Technologique ?

Les enjeux économiques liés à la fusion s’avèrent colossaux. Une énergie abordable et propre renforcerait la compétitivité industrielle d’un pays, réduisant sa dépendance aux importations d’hydrocarbures. Les conséquences géopolitiques sont aussi majeures : un État capable d’exporter cette technologie s’assurerait un ascendant considérable et pourrait influer sur les politiques énergétiques mondiales. Andrew Holland, directeur de la Fusion Industry Association (FIA), souligne l’importance de l’instant présent : chaque investissement, chaque projet pilote concrétisé fait progresser la maturité de la filière et rapproche la fusion d’une mise en service commerciale.

Le différend entre approche libérale et planification étatique n’exclut pas certains points de convergence. Des collaborations existent, notamment au sein de projets internationaux comme ITER. La Chine soutient également la recherche de technologies avancées hors de ses frontières, poussant parfois à des formes de partenariat public-privé similaires à celles des États-Unis. L’Europe n’est pas en reste, avec la perspective d’un réacteur post-ITER, baptisé DEMO, qui pourrait fédérer les expertises publiques et privées. Les prochaines étapes reposeront donc sur l’industrialisation, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement et la formation accélérée des compétences indispensables.

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