Alors que l’Allemagne s’attèle à sécuriser son approvisionnement énergétique en prévision de l’hiver à venir, les opérateurs pointent des difficultés inhérentes à l’usage du charbon.
Réactiver les centrales à charbon, un premier défi
Depuis la maintenance de Nord Stream et la réduction des flux de ce dernier, les opérateurs d’électricité du sud du pays ont été sommés de maintenir les centrales à charbon prêtes en cas d’urgence. Ces mesures devraient permettre une compensation de 1 à 2% de la consommation de gaz.
Si les centrales à charbon permettent une production rapide d’électricité, le gouvernement se heurte à des prix élevés de la matière première.
Le 13 juillet, les prix européens du charbon physique CIF ARA 6.000 kcal/kg NAR ont été évalués à 415 $/mt. En conséquence de quoi un problème d’approvisionnement, notamment du groupe STEAG est signalé. Le volume de charbon requis représente une charge conséquente dans les liquidités de l’entreprise.
Uniper ne s’est pas encore prononcé sur les installations possiblement exploitables. Evonik annonce ne remettre en service sa centrale qu’à partir de cet automne. La centrale de Marl dans le sud du pays est cependant en cours de réouverture, le porte-parole d’Evonik annonce :
« Nous avons embauché du personnel, acheté du charbon sur le marché mondial et nous nous sommes occupés de la maintenance technique ».
Cependant, la moitié des centrales à charbon que Berlin compte réactiver sont exploitées par EnBW. Le groupe annonce une impossibilité de transfert de la production dans le réseau allemand en raison d’une incompatibilité de l’équipement, jugé trop ancien.
La stratégie allemande est-elle vouée à l’échec ?
Le risque est grand, bien qu’une transition vers le GNL soit souhaitée par l’exécutif. Il paraît assez improbable que les nouvelles installations soient opérationnelles cet hiver.
Au premier trimestre 2022, 143 milliards de KWh étaient issus de sources énergétiques conventionnelles (charbon, gaz, nucléaire) soit 52,9% du mix énergétique allemand total. 31,5% de cette production conventionnelle était assurée par une électricité produite à partir de charbon. Soit une hausse de 12,5% comparativement au premier trimestre 2021.
On remarque au cours de ces mêmes périodes une chute de la part du gaz naturel de 17%. Cette chute s’explique par le contexte géopolitique tendu auquel est confrontée l’Europe. L’invasion ukrainienne par la Russie met à mal les relations entre la Fédération et l’Union. La Russie est accusée d’utiliser le gaz comme un moyen de pression politique alors que l’UE condamne l’invasion. En outre, l’UE s’attèle à mettre en place des sanctions afin de couper le financement russe pour la guerre.
Un cercle vicieux s’est mis en place. La hausse du prix de l’électricité oblige les opérateurs à recourir au charbon, mais les cours du charbon augmentent. L’approvisionnement devant être payé à l’avance, les entreprises subissent une pression économique certaine.
Ensuite, les faibles niveaux d’eau forcent les navires à réduire leur cargaison de moitié. Le réseau ferroviaire est lui saturé par les cargaisons de céréales en provenance d’Ukraine.
Coopération et prospection
La situation est d’autant plus urgente que les volumes d’importations seront en hausse dès septembre. Il est désormais certain qu’un coup sera porté à la croissance outre-Rhin, l’Allemagne payant sa dépendance à la Russie.
L’Europe semble être l’un des meilleurs leviers dans le cadre d’une résolution de crise, pourtant là aussi des inquiétudes sont vives. L’Autriche envisage de mettre fin au raccordement énergétique unique, une décision qui pourrait précariser davantage encore l’Allemagne.
Leonore Gewessler, ministre de la protection du climat et de l’énergie déclare :
« Nous avons décidé de raccorder tous les réservoirs de gaz situés sur le territoire autrichien au réseau national de distribution. »
L’UE appelle à la solidarité, mais le recours au charbon apparaît de plus en plus comme une « fausse bonne idée ». Les installations en cours d’infrastructures de stockage de GNL seront plus efficientes et permettront de remplacer 50% des exportations de gaz naturel russe.