Les dirigeants européens tentaient lundi à Bruxelles de trouver un accord sur un embargo frappant le pétrole russe. Il permettrait d’adopter un 6e paquet de sanctions contre Moscou, sous la pression de la Hongrie. Elle a conditionné son feu vert à des garanties sur son approvisionnement.
Un accord en vue ?
Un nouveau projet de conclusions du sommet, consulté par l’AFP, prévoit l’adoption “sans délai” du nouveau train de sanctions. Il inclut un embargo sur le pétrole russe d’ici la fin de l’année, “avec une exemption temporaire pour le brut acheminé par oléoduc” afin de lever le veto de Budapest. L’extension de l’embargo aux livraisons par oléoduc sera ensuite discutée “dès que possible”.
“Je pense qu’on va vers un accord sur un sixième paquet de sanctions”, a déclaré le président français Emmanuel Macron, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE. Le président du Conseil européen Charles Michel s’est dit “confiant”.
Un optimisme fragilisé par le Premier ministre hongrois Viktor Orban. “Il n’y a pour l’instant pas de compromis” acceptable, a-t-il déclaré à son arrivée. Saluant “une bonne approche”, il a exigé des garanties en cas de coupure de l’oléoduc Droujba. Celui-ci approvisionne son pays en passant par l’Ukraine.
La Hongrie demande des garanties
La Hongrie, pays enclavé sans accès à la mer, dépend pour 65% de sa consommation du pétrole russe acheminé par Droujba. Elle s’était opposée à la proposition initiale d’un embargo pétrolier, à moins de bénéficier d’une exemption d’au moins quatre ans pour s’y préparer. Et d’environ 800 millions d’euros de financements européens pour adapter ses raffineries.
“Si jamais quelque chose arrivait à l’oléoduc, il faut que nous gardions le droit de recevoir du pétrole acheminé par voie maritime, c’est la garantie dont nous avons besoin”, a-t-il insisté.
Le projet de conclusions est soumis pour discussion aux chefs d’Etat et de gouvernement. Ils ont entamé leur sommet peu avant 15H00 GMT. L’unanimité est requise pour l’adoption des sanctions.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle à durcir toujours davantage les mesures pour assécher le financement de l’effort de guerre de Moscou. Il s’exprimera par visioconférence à l’ouverture du sommet.
“Approche réaliste”
Selon un diplomate, un accord sur un embargo progressif cantonné au pétrole transporté par bateau (soit les 2/3 des achats européens de pétrole russe) pourrait être formellement entériné “probablement cette semaine” après le sommet. Pour Moscou, il est cependant plus facile de trouver d’autres acheteurs pour ses exportations par tankers que par oléoduc.
Des négociations auront lieu ensuite pour cesser aussi les importations via l’oléoduc Droujba (1/3 des approvisionnements européens). Notamment par la branche nord dessert Allemagne, Autriche et Pologne, et la branche sud Hongrie, République tchèque et Slovaquie.
Mais aucun calendrier n’est prévu. “Les garanties sont un peu faibles”, note un diplomate, redoutant que Viktor Orban joue la montre.
Berlin et Varsovie devraient en outre s’engager à arrêter, même s’ils n’y sont pas contraints, leurs importations par Droujba, selon des sources européennes, estimant qu’au total, 90% des exportations de pétrole russe vers l’UE seraient ainsi visées.
La Première ministre estonienne Kaja Kallas se montrait circonspecte. “Je ne pense pas que nous parviendrons à un accord aujourd’hui. Nous essaierons d’y parvenir d’ici le sommet de juin”, a-t-elle averti, plaidant pour “un approche réaliste”.
“Les dirigeants ne peuvent fournir qu’une direction politique, les questions sont trop techniques pour être tranchées lors du sommet”, a reconnu un diplomate.
“Il faut faire très attention à préserver le marché commun”, met en garde un autre diplomate. Plusieurs Etats redoutent qu’une exemption pour plusieurs pays ne fausse les conditions de concurrence pour leurs achats de pétrole.
Outre l’embargo, quelles sanctions ?
Paralysé jusqu’alors par le blocage de la Hongrie, le sixième paquet de sanctions préparé par la Commission, prévoit aussi un élargissement de la liste noire de l’UE à une soixantaine de personnalités. Parmi elles, le chef de l’église orthodoxe russe, le patriarche Kirill.
Il comprend également l’exclusion de trois banques russes du système financier international Swift, dont Sberbank, principal établissement du pays.
Le sommet de deux jours doit aborder les conséquences de la crise alimentaire liée à la guerre, la transformation énergétique du continent pour se passer du gaz russe et une proposition d’aide financière jusqu’à neuf milliards d’euros à l’Ukraine en 2022.