Après de longues négociations, l’UE a trouvé un accord concernant l’embargo pétrolier contre Moscou. La Hongie a finalement accepté d’exclure l’accès au brut russe via l’oléoduc Druzhba. Ainsi, d’ici la fin de l’année, l’embargo devrait éliminer progressivement 90 % des importations européennes.
Les raffineurs européens s’organisent alors pour trouver des alternatives au brut russe. Ils se tournent vers d’autres pays, d’autres qualités. Ils se rapprochent alors de nombreux pays comme, par exemple, les Émiratas arabes unis ou l’Angola.
En Pologne, PKN Orlen augmente les importations en provenance des États-Unis, d’Arabie saoudite, de Norvège ou d’Afrique de l’Ouest. Depuis la fin du mois de mars, sa raffinerie Orlen Lietuva, en Littuanie, n’accepte plus de cargaisons russes. La raffinerie entend traiter du pétrole d’Arabie saoudite.
De fait, de nombreux raffineurs estiment que le brut en provenance du Moyen-Orient serait une bonne alternative au brut de l’Oural. Hellenic Petroleum a déclaré :
« [La société] a immédiatement trouvé des sources alternatives de matières premières, sans affecter le fonctionnement de nos unités et l’approvisionnement continu du marché, tout en profitant de la flexibilité des raffineries pour traiter différents types de pétrole brut et de la bonne coopération avec les autres pays producteurs. »
Certains raffineurs se tournent vers le Moyen-Orient et l’Afrique
Selon les négociants, l’Europe a su profiter du brut acide provenant du Moyen-Orient pour se détacher du pétrole russe. Un négociant explique :
« C’est une question de déplacement. L’Oural va vers l’est, et les qualités du Golfe Persique doivent trouver un autre chemin. »
Parmi les qualités de brut de la région, les raffineurs européens utilisent le Murban et l’Upper Zakum d’Abu Dhabi mais aussi le brut d’Oman et le Basrah Medium irakien. Certains reviennent sur les marchés européens après des années d’absence. C’est le cas du Murban et de l’Upper Zakum. Ils sont arrivés en Europe en mai pour la première fois depuis 2018 et 2015, respectivement.
Sur le continent africain, la demande provenant des raffineurs européens est également en hausse. Les négociants observent une augmentation des flux provenant d’Angola au cours des derniers mois. Selon Kpler, la moyenne des flux en provenance d’Angola atteint 353 000 barils par jour pour le mois de mai. Il s’agit de la plus importante moyenne depuis août 2016.
Ainsi, le prix du brut angolais est à la hausse. Un négociant commente :
« Ce qui beaucoup poussé les Angolais à la hausse, c’est l’Occident qui les utilise pour remplacer [l’Oural]. »
D’autres se concentrent sur la mer du Nord
La société suédoise Preem a été une des premières à cesser ses achats de brut russe. Ainsi, elle s’est tournée vers la Norvège et le pétrole de la mer du Nord. Idem pour Grupa Lotos, société polonaise.
Si le Forties de la mer du Nord n’est pas comparable à l’Oural, il connaît une demande croissante. De fait, sa valeur est inférieure à d’autres. Un négociant déclare :
« Tous ceux qui peuvent faire des mélanges devraient envisager de prendre du Forties. Il semble très bon marché par rapport au pétrole doux. »
Ainsi, selon Platts cFlow, le Kronviken a chargé du Forties les 16 et 17 mai. Il l’a ensuite acheminé jusqu’à Rostock, en Allemagne, où un pipeline relie Rostock à la raffinerie de Schwedt.
Cette raffinerie pourrait être alimentée via Rostock et le port de Gdansk, en Pologne. Celle-ci traitait généralement du brut russe livré par l’oléoduc Druzhba. Cependant, rien n’est fixé concernant l’approvisionnement de la raffinerie. Selon les médias allemands, les autorités locales sont inquiétudes concernant l’avenir de cette dernière. Elles auraient demandé une dérogation d’interdiction jusqu’en 2030.
De son côté, TotalEnergies prévoit d’arrêter de traiter du brut russe dans sa raffinerie de Leuna, en Allemagne. Celle-ci est également approvisionnée par Druzhba. Son approvisionnement en brut russe a chuté de 550 000 mt en mai, contre 900 000 mt en octobre dernier.
De plus, le groupe annonce avoir assuré d’une capacité de 700 000 tonnes de l’oléoduc de Gdansk afin d’alimenter sa raffinerie. TotalEnergies entend chercher des alternatives au brut russe dans la mer du Nord mais aussi sur le continent africain.
Les autres sources coûteront plus cher que le brut russe. Toutefois, les négociants sont confiants. Un négociant en brut explique :
« Les raffineries ont de si bonnes marges qu’elles sont incitées à payer plus cher le brut provenant de n’importe où ailleurs pour continuer à fonctionner. À part ceux qui utilisent le pipeline de l’Oural, la plupart peuvent se diversifier dans une certaine mesure. Il y en aura beaucoup plus en provenance du Moyen-Orient, ce qui aura un effet positif sur ces différences. Il y en aura aussi en provenance des États-Unis et du WAF, de l’Azeri, du CPC… toutes les autres qualités seront soutenues.
Un embargo européen mais des exemptions
Si l’UE a trouvé un accord pour la mise en place d’un embargo pétrolier, il existe toutefois des exemptions. Celles-ci concernent quatre pays : la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et la Bulgarie.
Selon le Premier ministre slovaque, son pays pourra continuer de recevoir du brut par oléoduc afin d’approvisionner la raffinerie de Bratislava. Cette exemption est valable jusqu’à ce que le pays trouve une alternative au brut russe.
La Bulgarie profite, elle aussi, d’une exemption, et jusqu’à la fin de 2024. Ainsi, la raffinerie Neftokhim de Burgas sera en mesure de s’adapter au traitement d’autres qualités de brut.
En République tchèque, la raffinerie de Litvinov est alimentée par Druzhba. Néanmoins, les médias locaux expliquent qu’elle commence, depuis quelques années, à traiter d’autres qualités de brut. Ceux-ci proviennent alors des États-Unis, d’Afrique, de la mer du Nord, d’Arabie saoudite, du Kazakhstan ou encore d’Azerbaïdjan. Idem, Kralupy, deuxième raffinerie du pays, est approvisionnée en brut non russe via l’oléoduc Trans Alpine.