Sur le plateau du Causse d’Aumelas, à l’ouest de Montpellier, les 31 éoliennes en activité depuis près de vingt ans font l’objet d’une procédure judiciaire inédite. EDF Renouvelables France et plusieurs exploitants de ce parc éolien sont accusés de destruction d’espèces protégées, notamment des faucons crécerellettes et des chauves-souris. Le tribunal correctionnel de Montpellier doit rendre lundi son verdict, après qu’une enquête a révélé un nombre important de collisions entre ces oiseaux et les pales des turbines.
Un enjeu juridique et financier
À l’origine de cette procédure, l’association France Nature Environnement (FNE) Occitanie Méditerranée a engagé une citation directe contre EDF Renouvelables et ses partenaires, estimant que les dispositifs d’effarouchement installés sur le site ne suffisent pas à prévenir la mortalité des oiseaux. Lors de l’audience de décembre, le parquet a requis des amendes de 750 000 euros pour chaque société concernée, dont 500 000 euros avec sursis. Bruno Bensasson, ancien président-directeur général d’EDF Renouvelables jusqu’en mars 2024, encourt six mois de prison avec sursis et une amende de 150 000 euros, dont 100 000 avec sursis.
Des pertes aviaires documentées
Les estimations avancées par les spécialistes indiquent qu’entre 150 et 300 faucons crécerellettes auraient péri au pied des éoliennes depuis la mise en service du parc, bien au-delà des 70 carcasses officiellement recensées. Cette surmortalité aurait ralenti de 22 % la croissance de cette espèce sur le site, considéré comme un des rares lieux de nidification de ces oiseaux en France.
EDF Renouvelables affirme avoir investi deux millions d’euros depuis 2020 pour renforcer les dispositifs d’effarouchement et minimiser l’impact des éoliennes sur la faune locale. « En 2022 et 2023, seuls quatre cas d’impact mortel ont été recensés, contre deux en 2024 », a déclaré un porte-parole de l’entreprise, soulignant les améliorations apportées aux mesures de prévention.
Des précédents judiciaires
Ce procès pénal s’inscrit dans un cadre juridique déjà marqué par une condamnation civile d’EDF Renouvelables en 2021 par la cour d’appel de Versailles. À l’époque, la justice avait reconnu la responsabilité de l’entreprise dans la mort de 28 faucons crécerellettes et constaté l’inefficacité du système de prévention mis en place en 2014.
L’enjeu principal repose sur l’absence d’une dérogation préfectorale qui aurait permis d’autoriser un seuil limité de pertes aviaires. EDF Renouvelables n’a, à ce jour, pas déposé de demande en ce sens, une démarche jugée risquée par FNE, qui considère que l’entreprise tente d’éviter un refus des autorités.
Un dossier qui fait jurisprudence
Au-delà du cas d’Aumelas, la question de la cohabitation entre énergies renouvelables et biodiversité est également au cœur d’un autre procès en cours. Le même tribunal de Montpellier doit rendre mercredi une décision concernant le parc éolien de Bernagues, exploité par Energie Renouvelable du Languedoc, filiale du groupe Valeco, et impliqué dans la mort d’un aigle royal. Le parquet a, là aussi, requis d’importantes amendes contre l’exploitant.
Alors que l’industrie éolienne poursuit son expansion, ces décisions judiciaires pourraient redéfinir les obligations des développeurs en matière de protection de la faune et influer sur les futurs projets en zone naturelle.