Après une année noire en 2022, EDF a renoué avec les bénéfices au premier semestre, engrangeant 5,8 milliards d’euros, forte du redémarrage de plusieurs de ses réacteurs nucléaires sur fond de prix de l’électricité soutenus. Cette progression marquée, pour un chiffre d’affaires de près de 75,5 milliards d’euros, s’explique par « une bonne performance opérationnelle », notamment dans le nucléaire, en outre dans un contexte de prix de l’électricité favorables, souligne le groupe jeudi dans ses résultats financiers semestriels.
Résultats impactés et défis à surmonter
Les résultats de 2022 avaient aussi été plombés par sa contribution forcée au « bouclier tarifaire » destiné à protéger la facture énergétique des Français. Le groupe relève donc ses objectifs financiers pour 2023, bien que toujours contraint par de gigantesques besoins de financement et une dette nette abyssale de 64,8 milliards d’euros. « Ces résultats traduisent les efforts intensifiés de l’ensemble des équipes d’EDF », a dit jeudi son PDG Luc Rémont, arrivé en novembre. « Partout dans le groupe, nous avons engagé un travail profond d’amélioration de notre efficacité, afin d’accompagner toujours mieux nos clients dans leur transition énergétique. Le Groupe EDF est en bonne voie pour relever tous ses défis d’avenir avec ses partenaires industriels ».
Les six premiers mois de 2022, l’électricien national avait subi une perte historique de 5,3 milliards d’euros, en raison de la baisse de production nucléaire liée à un problème de corrosion dans plusieurs centrales et au décalage des calendriers de maintenance du fait du Covid. En 2022, sa production nucléaire avait chuté à 279 térawattheures (TWh), son plus bas niveau depuis 30 ans, et au total, EDF avait fini l’année sur une perte de 17,9 milliards d’euros. Aujourd’hui, sur les 16 réacteurs les plus sensibles à ce problème de corrosion, 11 ont été réparés, deux sont en cours, deux le seront d’ici la fin 2023 et l’autre le sera à l’occasion de sa visite décennale, a souligné Luc Rémont lors d’un échange avec des journalistes.
Des défis énergétiques et des ambitions pour l’avenir
EDF a confirmé qu’elle atteindrait entre 300 et 330 TWh cette année, visant 335 à 365 TWh en 2025. Le tout ne pourra provenir que de ses 56 réacteurs existants, mis en service entre 1979 et 2002, et de l’imminent réacteur EPR de Flamanville, puisque la nouvelle génération de réacteurs (EPR2) n’est espérée au mieux qu’à partir de 2035.
L’Etat, qui a renationalisé à 100% le groupe désormais retiré de la Bourse, met la pression sur l’entreprise et son patron. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher insiste sur un objectif de 400 TWh en 2030. « 400 TWh en 2030, c’est l’objectif que vous vous fixez maintenant et que nous allons retenir notamment pour juger la performance opérationnelle des dirigeants de la maison EDF », a-t-elle spécifié lundi à l’occasion d’une visite à la centrale du Bugey dans l’Ain, choisie par le gouvernement pour accueillir deux futurs réacteurs.
Les défis financiers et les enjeux de l’avenir énergétique
Outre le vieillissement de son parc, l’électricien doit gérer une pile de dossiers complexes, liés au lancement de nouveaux projets de réacteurs et à la nécessité de financer aussi l’essor de sa production renouvelable (éolien et solaire). EDF va devoir doper ses investissements à 25 milliards d’euros par an, un niveau « sans commune mesure » dans son histoire, a déjà prévenu Luc Rémont. Il y a la facture du « grand carénage », le programme qui vise à moderniser et prolonger la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans, dont le coût avoisine 66 milliards d’euros. Le gouvernement porte aussi un programme de six à 14 réacteurs EPR, estimés à 51,7 milliards d’euros pour les six premiers. Comment les financer? EDF ne peut le faire seule.
Plusieurs options sont avancées, dont des prêts à taux zéro et la mobilisation du livret A, a listé récemment le gouvernement, évoquant une décision d’ici à fin 2024. Le tout en ayant l’aval de Bruxelles, généralement peu favorable aux aides d’Etat. Surtout, le gouvernement et EDF vont devoir s’accorder sur le prix du nucléaire, au moment où le premier vient de décider la fin du « bouclier tarifaire » sur les factures des Français. Le PDG d’EDF a déjà fait savoir qu’il considérait comme une source de « sous-rémunération de l’entreprise » le système actuel, imposé par Bruxelles et consistant à le contraindre à vendre de l’électricité à bas prix à ses concurrents. Ce mécanisme dit de l’Arenh doit toutefois s’éteindre au 1er janvier 2025.