La réforme d’EDF, ou projet Hercule, est devenue l’emblème des changements favorables aux entreprises promis par Emmanuel Macron lors de sa campagne. Or, restructurer le groupe avant la fin du mandat présidentiel en avril 2022 semble de moins en moins probable.
EDF réformé, l’État premier bénéficiaire
L’État français détient 83,7% de la société EDF – électricité de France -. En campagne électorale, le Président Emmanuel Macron avait promis une réforme favorable aux entreprises. Celle d’EDF en est devenue la figure de proue. Fournisseur n°1 en France, mais aussi en Europe, la réforme devrait bénéficier d’abord à ses actionnaires ; l’État en premier lieu.
À l’origine de la réforme : le Projet Hercule
Par cette réforme, l’entreprise comptait placer au sein d’une autre entité ses activités rentables dans le domaine des énergies renouvelables (EnR). Séparer les actifs d’EnR est un moyen de les désolidariser des actifs nucléaires d’EDF qui sont, eux, criblés de dettes. La nouvelle entreprise, toujours détenue par l’État serait à même de prospérer puisque le secteur des EnR est en plein essor.
Mais pour que la réforme aboutisse, le gouvernement doit l’inscrire à l’ordre du jour des sessions de débat au Parlement. Mais personne ne semble prêt, que ce soient les syndicats, l’Élysée, le ministère des Finances ou la Commission européenne. Tous refusent de commenter l’avancée.
Ainsi, trouver un accord entre Paris et Bruxelles et entre actionnaires et syndicats avant la session de septembre semble perdu d’avance.
Un projet hautement débattu
Les syndicats s’opposent farouchement à tout démantèlement d’EDF. Quand les régulateurs antitrust européens craignaient quant à eux, l’inverse. Ils estiment que si les activités ne sont pas entièrement séparées, alors une partie ne subventionnera pas l’autre. L’opposition des syndicats est ferme et les multiples cycles de discussions avec le gouvernement n’ont pas empêché les manifestations.
De même, Paris et la Commission européenne n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le potentiel démantèlement. « Les contacts de l’organe exécutif de l’UE avec les autorités françaises sont en cours » déclare une porte-parole de la Commission européenne. Avec une première étape de l’adoption de la réforme qui manque d’aboutissement, la suite interroge.
L’action d’EDF chute
Les négociateurs français auraient récemment cherché à revenir sur des questions déjà réglées, comme le prix de l’énergie nucléaire. Le ministre des Finances Bruno Le Maire a lui, déclaré qu’il y avait de grandes différences entre Paris et Bruxelles. Cette simple déclaration a provoqué la chute du cours de l’action d’EDF, révélant l’instabilité et l’incertitude autour de la réforme.
La fenêtre pour la réforme se rétrécit
Seul le gouvernement peut amener le Parlement à discuter d’une telle réforme. Cependant, la session d’été n’en parlera pas. La prochaine fenêtre de septembre est la dernière pour que le Parlement discute de la réforme avant les élections présidentielles.
Cependant, la réforme d’EDF n’est pas la seule prioritaire et risque d’entrer en concurrence avec l’éventuelle réforme des retraites. Quand bien même le Parlement inscrirait la réforme à l’ordre du jour, rien ne promet qu’elle obtiendrait le financement nécessaire. Réformer coûte de l’argent, et c’est le Parlement lui-même qui décidera du budget 2022 en septembre 2021.
« Rien ne sera fait avant les élections »
Marie-Noëlle Battistel, législatrice de l’opposition déclarait que « rien ne sera fait avant les élections » si la loi suit le chemin classique. Car le gouvernement, conformément à l’article 49-3 de la Constitution, pourrait faire passer la loi au Parlement sans les débats et les navettes habituelles. En revanche, les conséquences seraient dramatiques pour Emmanuel Macron, dont l’action pourrait être jugée antidémocratique.
Les cadres supérieurs d’EDF dans une impasse
Si les cadres supérieurs d’EDF n’ont pas abandonné la réforme, ils estiment désormais que ce n’est plus de leur ressort. En effet, ils ont peu de pouvoir face à l’impasse que le gouvernement leur propose. Certains acteurs clés de la réforme se retirent même du projet, qui stagne entre les mains du gouvernement.
Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF déclare que « c’est entre les mains du gouvernement » face aux journalistes dimanche 4 juillet 2021. L’entreprise préfèrerait attendre une meilleure occasion pour faire passer la réforme. Personne ne semble donc prêt à endosser la responsabilité de la non-réforme.
L’État a d’autres priorités
L’État estime pour l’instant avoir d’autres priorités. La vaccination et la reprise économique sont les deux sujets qui dominent à l’Élysée, après une année 2020 difficile. Il n’est aucunement question de la réforme d’EDF, d’autant plus que la double opposition des syndicats et de Bruxelles dissuade.
En somme, le démantèlement d’EDF vers une entité purement orientée vers les EnR assurerait une croissance pour cette dernière. Mais il est clair que le moment n’est pas propice pour l’adoption de la réforme. En d’autres termes, « officiellement les discussions se poursuivent, mais je pense que ce projet est déjà enterré » déclarait une source proche de bailleurs de fonds du projet.