L’accès à l’énergie en Afrique, où 600 millions de personnes vivent sans électricité, a encore reculé depuis le Covid. Pourtant tout le continent pourrait être doté d’ici 2030 des énergies propres nécessaires, pour le prix de quelques terminaux gaziers, relève lundi l’International Energy Agency (IEA).
L’accès à l’énergie recule
Depuis 2021, l’Afrique compte 25 millions de personnes de plus sans courant: la pandémie puis la crise ont mis un terme à dix ans de progrès, constate l’Africa Energy Outlook 2022 de l’IEA.
“Nous avions vu beaucoup de développements positifs, au Ghana, Kenya, Rwanda… mais la tendance s’inverse. Environ 4% d’Africains de plus vivent aujourd’hui sans électricité comparé à 2019″, dit à l’AFP Fatih Birol, le directeur de l’Agence.
“Et quand je regarde 2022, avec les prix élevés de l’énergie et le fardeau économique que cela signifie pour les pays africains, je ne vois guère de raisons d’être optimiste”.
Accroître l’efficacité énergétique et étendre réseaux électriques et capacités renouvelables sont les fondements de l’avenir énergétique du continent, dit l’IEA. Celui-ci dispose de 60% des ressources solaires mondiales, mais n’accueille que 1% des installations photovoltaïques, moins que les Pays-Bas.
Développer les énergies renouvelables en Afrique
Les renouvelables devront, avec l’éolien, les barrages et la géothermie, former 80% des capacités électriques installées d’ici 2030, aussi bien pour des objectifs énergétiques que climatiques, souligne le Sustainable Africa Scenario de l’IEA. Mais pour cela, il faudra “doubler les investissements”, dit M. Birol.
“Les institutions financières internationales, particulièrement les banques multilatérales de développement, doivent recevoir un mandat fort des pays, pour faire de l’Afrique une priorité absolue (…) à même d’entraîner les capitaux privés”.
Aujourd’hui, “l’Afrique reçoit seulement 7% des financements en faveur des énergies vertes apportés par les économies avancées aux pays en développement”, insiste l’économiste.
Or, “ce sujet peut être résolu d’ici la fin de cette décennie avec un investissement annuel de 25 milliards de dollars, le montant nécessaire à la construction d’un nouveau terminal de GNL chaque année”, dit-il. “Nous lisons en ce moment tous les jours dans le journal que tel pays construit un terminal GNL, tel autre un autre terminal… Avec la même somme, on pourrait résoudre le problème de l’énergie en Afrique, c’est donc tout à fait à notre portée”.
Promesses
Plus inattendu dans un contexte d’appel général à la décarbonation, l’IEA souligne aussi le rôle potentiel du gaz, mais uniquement pour un usage transitoire et national.
“L’Afrique compte plusieurs champs de gaz naturel identifiés, non encore exploités. S’ils l’étaient, cela ferait 90 milliards de m3 annuels, pour produire des fertilisants agricoles, du ciment et de l’eau potable à partir d’eau de mer”, autant d’industries énergivores, explique Fatih Birol.
Il ajoute que l’Afrique représente moins de 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En exploitant le gaz, les émissions resterait sous la barre des 3,5% alors que le continent regroupe 20% de la population humaine.Europe,
“Pour le gaz comme pour tout, nous ne pouvons mettre l’Afrique dans le même panier que les autres”, poursuit l’économiste. “Par exemple, l’urbanisation: 70 millions de bâtiments d’habitation doivent y être construits d’ici 2030. Cela veut dire ciment et acier, et vous ne pourrez le faire seulement avec le solaire” à son niveau actuel.
En revanche, la transition mondiale vers les énergies vertes est porteuse de promesses. Après avoir largement subi l’ère des énergies fossiles – qu’il s’agisse de leur coût comme de leur rôle dans le réchauffement mondial – le continent pourrait être parmi “les premiers bénéficiaires” de ce nouveau chapitre, avec son potentiel solaire et les opportunités industrielles liées aux besoins de métaux et en hydrogène vert, souligne l’IEA.
La transition énergétique, une aubaine pour le continent?
40% des réserves mondiales en métaux stratégiques s’y trouvent, qui seront indispensables pour équiper voitures électriques ou rotors d’éoliennes.
“Et il reste d’énormes stocks encore non découverts”, ajoute le directeur de l’IEA. “Mais pour tout cela, il faudra de nouvelles études géologiques, des gouvernements solides, et tout faire pour minimiser les impacts sociaux et environnementaux” des activités minières.
De plus, il faut souligner l’importance de l’hydrogène renouvelable. Il permet de décarboner l’industrie et les transports lourds. L’Afrique à une carte à jouer. D’ici 2030, l’hydrogène renouvelable produit en Afrique sera très compétitif. Son prix pourrait être inférieur à celui de l’hydrogène produit en Europe.
Fatih Birol espère que “la COP27 en Egypte (en novembre, ndlr) placera le progrès énergétique de l’Afrique au cœur des débats”.