Le Gabon et la Guinée équatoriale, deux pays d’Afrique de l’Ouest, s’affrontent actuellement devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour régler un différend territorial remontant aux années 1970. La querelle porte sur trois îlots, Mbanié, Cocotier et Conga, situés dans une zone maritime potentiellement riche en hydrocarbures. Le litige s’inscrit dans un contexte de compétition énergétique, où les deux nations cherchent à asseoir leur influence régionale en sécurisant les ressources naturelles.
À l’origine de la dispute se trouve un accord signé en 1900 entre la France et l’Espagne, alors puissances coloniales respectives du Gabon et de la Guinée équatoriale. Ce document, censé fixer les frontières maritimes entre les territoires, a rapidement montré ses limites. En 1974, une nouvelle convention, dite de Bata, aurait été conclue pour clarifier la situation, mais la validité de cet accord est contestée par la Guinée équatoriale. Selon Malabo, le document présenté par le Gabon lors de négociations en 2003 n’est qu’une photocopie non authentifiée, ce qui soulève des doutes sur son caractère officiel.
Enjeux énergétiques et stratégiques
Le différend porte sur la délimitation des frontières maritimes, mais les enjeux vont bien au-delà de la souveraineté territoriale. La zone maritime concernée est présumée abriter d’importants gisements d’hydrocarbures. Le contrôle de ces ressources pourrait non seulement transformer les perspectives économiques des deux pays, mais également redéfinir leur position stratégique en Afrique centrale. Le Gabon, qui occupe actuellement les îlots, soutient que sa souveraineté est établie par la convention de Bata, tandis que la Guinée équatoriale accuse Libreville d’occupation illégale depuis 1972.
Domingo Mba Esono, vice-ministre équato-guinéen des Mines et des Hydrocarbures, a affirmé devant la CIJ que le Gabon n’a jamais été capable de présenter une version originale de la convention de Bata. De son côté, le Gabon continue de soutenir que ce document, bien qu’il soit une copie, reflète un accord formel entre les deux États. Le tribunal devra donc décider de la validité de ces pièces pour établir le cadre juridique applicable à ce conflit.
Un recours à la justice internationale pour éviter l’escalade
Conscients de l’importance stratégique de ce litige, les deux pays ont choisi de porter l’affaire devant la CIJ en 2016, dans l’espoir de trouver une solution pacifique. En acceptant de recourir à la justice internationale, ils espèrent éviter une escalade des tensions. Le Gabon et la Guinée équatoriale ont explicitement demandé aux juges de se prononcer sur la légalité des documents en jeu, mais pas de trancher directement sur la question de souveraineté.
Les audiences, qui se déroulent à La Haye, marquent une étape cruciale pour ces deux États d’Afrique de l’Ouest. Le Gabon, qui doit présenter ses arguments dans les prochains jours, pourrait voir sa position affaiblie si la CIJ donne raison à la Guinée équatoriale. À l’inverse, si la validité de la convention de Bata est reconnue, Libreville conforterait sa domination sur ces îlots stratégiques.
Des répercussions possibles sur la coopération régionale
Le jugement de la CIJ pourrait avoir des conséquences au-delà de la délimitation des frontières. En cas de décision favorable au Gabon, la Guinée équatoriale pourrait être tentée de contester d’autres accords frontaliers, ce qui risquerait de raviver des tensions dans une région déjà marquée par des différends territoriaux. À l’inverse, si la CIJ donne raison à Malabo, le Gabon pourrait se voir contraint de céder les territoires, ce qui affecterait ses ambitions énergétiques.
Dans ce contexte, les deux pays tentent de minimiser les risques de confrontation. Les représentants de la Guinée équatoriale ont souligné que la priorité est de parvenir à un accord durable, qui pourrait servir de base à une coopération future, notamment en matière d’exploitation pétrolière conjointe. Cette approche prudente est cruciale pour préserver la stabilité régionale et attirer les investissements étrangers dans le secteur des hydrocarbures.