Des dispositifs de communication non déclarés ont été découverts à l’intérieur d’onduleurs solaires et de batteries fabriqués en Chine, selon deux sources proches du dossier. Ces composants pourraient permettre de contourner les pare-feux installés par les opérateurs d’infrastructures énergétiques, exposant ainsi les réseaux électriques à des risques de perturbation à distance.
Les onduleurs, qui permettent de relier les installations d’énergie renouvelable telles que les panneaux solaires et les éoliennes aux réseaux, sont majoritairement produits en Chine. Ils sont également intégrés aux systèmes de stockage d’énergie, aux pompes à chaleur et aux bornes de recharge de véhicules électriques. Les experts américains, qui analysent régulièrement les équipements installés sur les réseaux, ont identifié la présence de radios cellulaires et d’autres modules de communication non répertoriés dans la documentation technique.
Un contournement des protections réseau possible
Ces dispositifs non documentés pourraient ouvrir des canaux de communication supplémentaires non détectés, compromettant l’intégrité des pare-feux mis en place par les opérateurs. D’après les sources, ce type de vulnérabilité pourrait permettre de modifier à distance les paramètres des onduleurs, voire de les désactiver, avec des conséquences potentiellement graves sur la stabilité du réseau.
Le département américain de l’Énergie (Department of Energy, DOE) a confirmé suivre ces risques technologiques émergents. Un porte-parole a précisé que des travaux étaient en cours pour renforcer la transparence des composants logiciels via des exigences contractuelles plus strictes, notamment à travers les inventaires de logiciels (« Software Bill of Materials »).
Réactions politiques et industrielles en chaîne
Face à la montée des tensions sino-américaines, plusieurs acteurs industriels cherchent à réduire leur dépendance aux équipements chinois. La société Florida Power & Light Company aurait amorcé un désengagement partiel des onduleurs chinois, selon deux personnes proches du dossier. Parallèlement, un projet de loi américain vise à interdire l’achat de batteries à six fabricants chinois à partir d’octobre 2027, dont Contemporary Amperex Technology Company (CATL), BYD Company et Gotion High-tech Company.
La Chine a rejeté les accusations de menaces contre les infrastructures, qualifiant ces inquiétudes de « distorsions infondées » par la voix de son ambassade à Washington.
Un poids croissant des équipements chinois
Huawei Technologies Co. Ltd. reste le premier fournisseur mondial d’onduleurs avec 29 % des expéditions en 2022, suivi par Sungrow et Ginlong Solis, selon les données de Wood Mackenzie. En Europe, le recours massif aux onduleurs chinois concerne plus de 200 gigawatts de capacité solaire, soit l’équivalent de plus de 200 centrales nucléaires, selon le European Solar Manufacturing Council.
Certains États européens prennent également des mesures. La Lituanie a interdit par défaut l’accès à distance des technologies chinoises sur les installations supérieures à 100 kilowatts. L’Estonie et le Royaume-Uni étudient également l’exposition de leurs infrastructures énergétiques à ces équipements.
Un retard réglementaire dans le secteur énergétique
Contrairement aux télécommunications ou aux semi-conducteurs, le secteur énergétique n’a pas encore imposé de cadre réglementaire strict face aux risques liés aux équipements chinois. Les exigences de sécurité ne s’appliquent souvent pas aux installations domestiques, bien qu’elles représentent désormais une part significative de la production sur les réseaux occidentaux.
L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) a récemment déclaré que la Chine intensifiait ses efforts pour prendre le contrôle d’infrastructures critiques, y compris dans le domaine des onduleurs. « Nous devons identifier les dépendances stratégiques et agir pour les réduire », a déclaré un responsable de l’OTAN, cité par Reuters le 14 mai.