L’Europe devra mener « des actions très volontaristes » afin de « redémarrer » une industrie de production de panneaux photovoltaïques sur son territoire, faute de quoi la Chine profitera de la croissance attendue du solaire sur le continent, plaide l’Académie des technologies dans une note publiée mardi.
« A l’instar de ce que font ses concurrents (Chine, États-Unis, Inde), l’Europe doit envisager de mettre en place des politiques interventionnistes et de protection pour permettre ce redémarrage. Ceci signifie agir en termes de subventions, de droits de douanes et de politique d’achats publics », résume cette société savante indépendante.
En Europe, 96% des galettes de silicium, élément-clé du panneau photovoltaïque, sont fabriquées en Chine. Sur l’ensemble des composants, la Chine assure 80% de la production mondiale, l’Asie du Sud-est 18%. Après avoir été active jusqu’en 2010, l’Europe est tombée à 0,9%. Les importations de produits photovoltaïques forment ainsi 2% du déficit commercial français, note l’Académie. Or, tous les scénarios prévoient en Europe une forte croissance du solaire.
L’Agence internationale de l’énergie voit d’ici 2050 une multiplication par sept, à 22, des capacités installées. La France, qui affiche aujourd’hui près de 19 gigawatts, vise 100 GW en 2050. Pour l’Académie, « l’Europe doit se doter sans attendre de moyens de production significatifs » notamment pour l’amont de la production des cellules silicium: extraction, purification, production de lingots, découpe en plaquettes…
Cette stratégie, qui nécessite des investissements et de l’électricité peu coûteuse, ne peut se penser qu’à l’échelle du continent. L’Europe ne part pas de rien, concernant le silicium (Allemagne), les lingots et galettes (Norvège) ou les modules (Italie, France, Grande-Bretagne…). Des investissements sont aussi annoncés en Italie, en France et en Allemagne.
« Un tissu industriel existe, même s’il est encore trop petit. Il faut le muscler », a dit mardi à la presse Jean-Pierre Chevalier, coauteur de la note. « Les centres de recherche européens sont au meilleur niveau mondial. Quel manque de cohérence de ne rien en faire! » a-t-il ajouté. Mais l’Europe souffre de l’absence de « grands industriels moteurs » et de « stratégie industrielle forte ».
L’Académie insiste sur une politique d’achat de la part des États, des grands groupes… favorisant la production européenne. Car « si on vise seulement le moins cher, on achètera chinois! » estime M. Chevalier. L’industrie doit se déployer sur les toutes dernières technologies, « pas celles d’il y a cinq ans », prévient-il.