Pour répondre aux exigences climatiques et engager une transition énergétique ambitieuse, l’industrie française est appelée à doubler sa consommation d’électricité d’ici 2050. Selon une étude du centre de réflexion La Fabrique de l’industrie, publiée récemment, cette consommation devrait atteindre 207 térawattheures (TWh), contre 103 TWh enregistrés en 2023.
Le remplacement des énergies fossiles, comme le gaz et le fioul, par l’électricité dans les processus industriels est au cœur de cette stratégie. Les procédés énergivores, tels que le séchage, le chauffage de fluides ou les traitements thermiques, bénéficieront directement de cette électrification. Toutefois, certains secteurs rencontrent des limitations technologiques. Par exemple, si les fours électriques sont exploitables dans le secteur verrier, ils restent inadaptés à l’industrie du ciment. Les cimentiers, confrontés à des besoins thermiques élevés, se tournent vers des combustibles alternatifs tels que la biomasse ou les huiles usées, tout en s’appuyant sur des technologies de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CO2).
Un bouleversement dans le mix énergétique
En 2050, l’électricité devrait représenter 62 % du mix énergétique de l’industrie française, un bond significatif comparé aux 37 % actuels et aux 14 % relevés en 1970. Cette montée en puissance s’accompagnera d’une diversification des sources, incluant la biomasse, le biogaz, l’hydrogène et les déchets.
Cependant, ce basculement énergétique repose sur plusieurs conditions essentielles. « Ce n’est pas un chantier acquis, car il faut de l’électricité à prix abordable, compétitif, prévisible et accessible », alerte David Lolo, économiste à La Fabrique de l’industrie et auteur du rapport. Une tarification instable ou excessivement élevée pourrait compromettre la compétitivité des entreprises françaises, en particulier dans un contexte post-crise énergétique où elles recherchent stabilité et visibilité.
Le rôle des contrats long terme
L’énergéticien EDF espère conclure d’ici la fin de l’année de nouveaux contrats d’approvisionnement à long terme avec les industriels. Ces accords, destinés à remplacer le dispositif avantageux de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH), qui prendra fin en 2025, sont jugés trop coûteux par une partie des industriels. Ces derniers, après avoir bénéficié de conditions tarifaires avantageuses pendant 15 ans, expriment des inquiétudes sur leur capacité à absorber de nouvelles charges.
Une électrification territoriale inégale
L’étude met également en lumière un risque d’électrification à deux vitesses. Les grands bassins industriels émetteurs de CO2, tels que Dunkerque, Fos-sur-Mer et Le Havre, pourraient être prioritaires, laissant de côté des sites plus diffus comme les usines de verre en région viticole ou les cimenteries rurales. Ce retard s’expliquerait par la complexité et l’ampleur des travaux nécessaires pour raccorder ces infrastructures au réseau électrique national.
Cette disparité pourrait freiner la décarbonation de certaines régions et soulève des questions sur l’équité territoriale dans la transition énergétique. Les investissements dans le réseau, incluant câblages et pylônes, seront déterminants pour assurer une couverture homogène.