Le groupe Dangote a annoncé qu’il est prêt à livrer jusqu’à 57 millions de litres d’essence par jour dès décembre, soit l’équivalent de la demande totale du Nigeria en carburant automobile. Dans une lettre adressée à l’autorité nigériane du midstream et downstream (Nigerian Midstream and Downstream Petroleum Regulatory Authority – NMDPRA), l’entreprise réclame en retour des mesures immédiates de soutien logistique, fiscal et administratif pour sécuriser ses opérations.
Une montée en puissance qui change la structure du marché
La raffinerie de Lekki, conçue pour traiter 650 000 barils de brut par jour, est en train de finaliser sa montée en charge avec une capacité projetée de 1,5 à 1,7 milliard de litres d’essence par mois. Ces volumes correspondent à près de 100 % des besoins du pays, estimés à environ 56 à 57 millions de litres/jour en octobre. Jusqu’à présent, la raffinerie n’a livré en moyenne que 18 millions de litres/jour sur les 12 derniers mois, selon les chiffres publiés par le NMDPRA.
Des demandes ciblées en échange des volumes
Dans sa lettre, Dangote conditionne ses engagements à plusieurs contreparties : la mise en place d’un processus douanier accéléré pour les cargaisons de brut et de composants, la présence permanente du régulateur sur le site, ainsi qu’un traitement logistique prioritaire dans les ports. Le groupe propose que les volumes livrés soient publiés quotidiennement par le NMDPRA, ce qui permettrait une transparence immédiate sur les performances de la raffinerie.
Risque de concentration industrielle
La capacité de Dangote à fournir l’essence pour tout le marché nigérian pourrait réduire fortement le rôle des importateurs et des autres raffineries locales, qui assuraient encore 63 % de la consommation nationale en octobre 2025. Si cette concentration améliore la sécurité d’approvisionnement, elle transfère aussi le risque vers un seul site, notamment en cas de rupture technique ou sociale.
Un levier politique dans un contexte régional incertain
Face à la concurrence croissante des produits russes à bas prix sur les marchés africains, Dangote semble privilégier le marché intérieur comme débouché stable. L’accès sécurisé au brut nigérian devient alors central pour soutenir la promesse de volumes, dans un contexte où la politique “Nigeria First” du gouvernement a déjà été affaiblie par la suspension d’une taxe de 15 % sur les importations de carburants.
Un pouvoir de marché renforcé
La position dominante de Dangote permettrait une négociation directe des termes logistiques et financiers avec l’État et les distributeurs. Les marketers nigérians pourraient devoir adapter leurs contrats et leur supply chain autour des flux sortants de Lekki, notamment via des livraisons maritimes et des hubs côtiers. Cette situation pourrait aussi poser un défi de gouvernance si l’entreprise concentre à la fois le volume et l’accès au marché.
Pression sur la performance opérationnelle
Si les volumes promis ne sont pas délivrés, la stratégie de Dangote pourrait se retourner contre lui. Le suivi quotidien des livraisons imposerait un niveau de disponibilité élevé de la raffinerie, dans un contexte de tensions sur l’approvisionnement en brut et de volatilité du taux de change entre le naira et le dollar.