À proximité des structures inachevées d’une centrale nucléaire soviétique, le gouvernement cubain supervise l’installation de 44 000 panneaux solaires dans le parc photovoltaïque « La Yuca », situé dans la province centrale de Cienfuegos. Ce projet s’inscrit dans un plan national visant à mettre en service 55 sites similaires à partir de 2025, avec pour objectif de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique et de réduire l’utilisation de carburants fossiles, actuellement indispensables au fonctionnement des huit centrales thermiques du pays.
Infrastructure vieillissante et déficit chronique
Le ministre de l’Énergie et des Mines, Vicente de la O Levy, a reconnu que plus de la moitié des ressources en carburant de Cuba est consommée par la production d’électricité. Selon ses déclarations au journal officiel Granma, cette dépense dépasse celles consacrées à l’alimentation ou aux médicaments. Les pannes de courant, parfois prolongées sur plusieurs jours, sont devenues fréquentes : au cours des six derniers mois, le réseau national s’est totalement effondré à quatre reprises à la suite de pannes techniques ou de ruptures d’approvisionnement.
Cienfuegos, ancien site stratégique de développement nucléaire dans les années 1980, a été retenu pour accueillir cinq des futurs parcs solaires. Cette zone concentre des infrastructures clés, incluant une raffinerie, un port industriel et une centrale thermique, ce qui en fait un point névralgique du réseau énergétique de l’île.
Un appui financier discret mais crucial de Pékin
L’ensemble du programme, estimé à plusieurs centaines de millions de dollars, est réalisé avec le soutien logistique et financier de la République populaire de Chine. Sur le site de « La Yuca », des conteneurs marqués de caractères chinois sont visibles, témoignant de l’origine des équipements importés. Toutefois, les autorités cubaines n’ont pas communiqué les montants exacts de l’investissement.
Les autorités visent une capacité installée de 1 200 mégawatts (MW) d’ici fin 2025, soit un effort considérable pour combler un déficit journalier estimé à 1 500 MW. Pour autant, les habitants des régions concernées continuent de faire face à des interruptions prolongées de service. Dans la commune voisine du parc, des résidentes témoignent de leur quotidien sans courant, contraignant certaines familles à cuisiner au charbon ou à organiser leurs tâches domestiques selon les heures de disponibilité électrique.
Manque de stockage et héritage nucléaire
Jorge Piñón, chercheur à l’Université du Texas, a noté que le succès du programme repose également sur la mise en place de capacités de stockage, actuellement absentes. Les premiers conteneurs destinés aux systèmes de batteries sont déjà arrivés sur l’île, mais ne sont pas encore équipés. Cela limite la possibilité de garantir une alimentation stable, en particulier durant la nuit.
Non loin de « La Yuca », la structure abandonnée du projet nucléaire cubano-soviétique subsiste comme symbole d’une autre tentative d’indépendance énergétique avortée. À quinze kilomètres, la coupole construite pour abriter un réacteur reste visible, marquée par des inscriptions russes. L’ancien physicien Eliecer Machin, formé en Union soviétique, réside toujours dans la « cité nucléaire » et survit désormais grâce à l’élevage porcin.