Le cours du pétrole devrait évoluer sensiblement dans les prochains jours en raison de la réunion de l’OPEP+ programmée pour le jeudi 4 mars. Les pays membres discuteront de l’opportunité de fournir davantage de pétrole brut au marché.
Actuellement, des divergences existent au sein de l’organisation quant à la stratégie à adopter pour fournir le pétrole. La Russie serait en effet plus encline à abreuver le marché que l’Arabie Saoudite.
Faut-il augmenter ou maintenir la production ? Retour sur les différentes positions adoptées.
Le cours du pétrole rebondit suite à la pandémie
2020 : l’OPEP réduit l’offre pour maintenir le prix
Le cours du pétrole a souffert, comme tous les pans de l’économie, de la pandémie mondiale de coronavirus. Cette dernière à en effet écrasé la demande mondiale, et a forcé l’OPEP+ à s’adapter. Il y a dix mois, les pays membres de l’OPEP+ ont donc réduit leur production en retenant environ 7 Mb/j sur le marché, soit environ 7% de l’offre mondiale.
L’objectif était de maintenir quelque peu l’équilibre entre l’offre et la demande pour soutenir le prix du baril en très forte baisse. L’Arabie Saoudite s’est engagée en ce sens à retenir un 1 Mb/j supplémentaire. Et depuis quelques mois, la demande de pétrole se redresse aboutissant inévitablement à un rebond du cours du pétrole. Pourtant, l’Irak ou le Nigeria alarment sur leur situation économique difficile.
2021 : inversion des courbes offre-demande et reprise du cours du pétrole
Finalement, le sacrifice effectué par les pays membres de l’OPEP+ a porté ses fruits. Les prix ont atteint leur plus haut niveau depuis un an. Le pétrole est redevenu une denrée très prisée ce mois-ci, le Brent dépassant les 65 USD$ le baril et le WTI atteignant 60 USD$ pour la première fois en un an. Selon Goldman Sachs, le maintien de l’offre en l’état, ou un resserrement de celle-ci, permettrait même que le baril de Brent atteigne les 75 USD$ d’ici la fin du troisième trimestre 2021. D’autres prédisent même que d’ici quelques années, voire quelques mois, le prix du baril puisse dépasser la barre des 100 USD$.
De plus, les prix du pétrole vont remonter plus vite et plus haut que prévu. À raison selon Goldman Sachs puisque la reprise de la demande mondiale d’énergie dépasse déjà l’offre de l’OPEP+. En ce sens, la consommation reviendra à son niveau d’avant le virus d’ici la fin juillet, et si bien sûr, la lutte contre le coronavirus porte ses fruits. En Chine déjà, la demande est repassée au-dessus des chiffres d’avant la pandémie.
Cette hausse des prix a également été favorisée par la vague de froid qui a balayé les États-Unis. Ils ont ainsi perdu environ 40% de leur production pétrolière. Néanmoins, la perturbation de l’approvisionnement due au gel américain ne durera pas assez longtemps pour provoquer une pénurie.
Ce redressement a jeté une ombre sur la détermination de l’OPEP+ à continuer de réduire sa production autant qu’elle le fait actuellement. Quelle est la stratégie à adopter face à ce rebond ? Sur ce point, deux pays membres de l’OPEP+, la Russie et l’Arabie Saoudite, s’opposent.
Les négociations à venir : deux positions ambivalentes
Il existe déjà une discorde au sein de l’OPEP+. La dernière fois que l’organisation a pris une décision sur la production, elle a dû prendre une décision de compromis. En effet, il fallait tenir compte des intérêts de ceux qui, comme la Russie, insistaient sur la fin des limitations de production.
Relancer de 500.000 barils/jour jusqu’en avril ?
Lors de ce sommet qui aura lieu le 4 mars prochain, deux décisions cruciales seront prises.
Tout d’abord, le groupe dans son ensemble devra décider s’il faut mettre fin aux limitations qui avaient été mises en place pour contrer la baisse de la demande. Il faudra choisir le rétablissement, ou non, de 500.000 barils par jour, la première étape d’une reprise progressive de la production. Cette reprise avait été convenue en décembre, mais a été interrompue lors de la réunion de janvier.
Le second sujet porte sur le million de barils supplémentaires que l’Arabie Saoudite retient depuis plusieurs mois. Cette réduction volontaire aidait à éliminer les stocks excédentaires. Mais face à un rebond du cours du pétrole, cette limitation est remise en question.
Sur ces deux points, les positions russes et saoudiennes diffèrent.
La Russie plaide l’augmentation de la production
La position de la Russie est claire. Le 14 février 2021, le vice-premier ministre russe Alexander Novak a déclaré que le marché était équilibré. Bien qu’il ne ce soit pas publiquement exprimé sur ce sujet, Alexander Novak devrait plaider lors de la réunion du 4 mars pour une augmentation de la production.
Il a ajouté que, si au printemps dernier, la demande de pétrole était 20 à 25 % inférieure à son niveau normal à cette époque de l’année, à la fin de 2020, la baisse s’était réduite de 8 à 9 %. Ainsi, la production devrait tendre à se rapprocher un peu plus de la normale.
L’Arabie Saoudite souhaite maintenir la production
L’Arabie Saoudite adopte une position différente et demande aux membres de l’OPEP+ de se montrer prudents. Le ministre saoudien de l’Énergie, le prince Abdulaziz bin Salman, a déclaré que le groupe devait se rappeler les « cicatrices » de la crise de l’année dernière. Il déclare à ce sujet :
« Le match de football est encore en cours, et il est trop tôt pour déclarer une victoire contre le virus ». « L’arbitre doit encore donner le coup de sifflet final. »
Pour l’Arabie Saoudite donc, il ne faut pas précipiter le retour à la production normale. En effet, même après la récente et relative reprise, les prix sont toujours inférieurs aux niveaux de couverture des coûts de production. Seuls quelques États pourrait s’en sortir sur le long terme. Ce serait le cas de l’Arabie Saoudite notamment profitant d’un pétrole brut conventionnel peu couteux à produire par rapport aux dérivés. Donnant par la même à Riyad un moyen de pression supplémentaire sur ses concurrents.
Malré tout, le risque existe toujours d’une demande qui stagnerai. De fait, il deviendrai difficile d’éponger les stocks accumulés lors de l’année 2020.
De plus, selon Bjornar Tonhuagen, analyste chez Rystad Energy, si l’Arabie Saoudite ne retient plus le million de barils comme elle le fait aujourd’hui, les prix devrait baisser.
Finalement, cette opposition entre russes et saoudiens s’inscrit dans le contexte global de rebond du cours du pétrole. La crise de la Covid-19 ayant suscité des bouleversements majeurs. Des mesures nouvelles et extraordinaires ont fait suite à sa survenance. Se pose alors la question de leur pérennité et des conséquences sur l’offre. De fait, certains craignent la pénurie d’ici quelques mois si la demande continue de grimper et si l’offre continue de se resserrer.