L’attribution des marchés de l’électrification à La Réunion est au cœur d’une affaire judiciaire qui sera jugée en mai à Paris. Huit individus, parmi lesquels des responsables du Syndicat intercommunal d’électricité de La Réunion (Sidélec) et plusieurs chefs d’entreprise, ainsi que deux personnes morales, devront répondre de faits de favoritisme, d’entente illégale et de corruption.
Un système d’attribution des marchés faussé
Les investigations menées par le Parquet national financier (PNF) ont mis en lumière une série d’ententes illégales entre plusieurs entreprises locales visant à manipuler les appels d’offres liés à l’électrification des zones rurales de l’île. Selon les éléments du dossier, les entreprises impliquées auraient coordonné leurs offres afin de fixer des prix largement supérieurs aux estimations officielles.
Des dirigeants d’entreprises auraient admis l’existence d’un système structuré favorisant certains acteurs économiques contre rémunération. Ces pratiques, en plus d’engendrer une hausse artificielle des coûts pour les collectivités, auraient faussé la concurrence et altéré la transparence du processus d’attribution des marchés.
Sanctions financières et exclusions du marché public
Avant même l’ouverture du procès principal, plusieurs chefs d’entreprise et sociétés ont déjà été sanctionnés dans le cadre de procédures de reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Cinq entreprises ont ainsi écopé d’amendes allant de 30 000 euros à un million d’euros, certaines assorties d’exclusions temporaires des marchés publics.
L’entreprise Bourbon Lumière, identifiée comme un acteur central du réseau de corruption, a été condamnée pour recel de favoritisme et entente anticoncurrentielle. Son amende, la plus lourde du dossier, s’accompagne de sanctions additionnelles pour plusieurs de ses dirigeants. Parmi eux, Jean-Marc Testoni a été condamné à 30 mois de prison avec sursis, à une interdiction de participer aux marchés publics pour trois ans et à la confiscation de ses avoirs bancaires saisis dans l’enquête.
Des implications politiques et judiciaires
Au sein des accusés, Maurice Gironcel, président du Sidélec et maire de Sainte-Suzanne, est visé par des chefs d’accusation de favoritisme et de corruption passive. Il devra s’expliquer sur son rôle dans l’attribution des marchés et sur d’éventuels avantages indus accordés à certaines entreprises.
Face à ces révélations, les principaux mis en cause n’ont pas souhaité faire de commentaires. De leur côté, plusieurs entreprises condamnées ont amorcé des réformes internes afin de revoir leurs processus d’attribution et de conformité aux normes légales.
Un procès aux enjeux économiques et réglementaires
Le procès, prévu du 21 au 27 mai devant le tribunal correctionnel de Paris, met en lumière les risques de corruption dans la gestion des infrastructures publiques. Il soulève également des questions sur les mécanismes de contrôle et de régulation pour éviter de telles dérives dans l’attribution des marchés.
L’issue de cette affaire pourrait avoir des répercussions sur l’ensemble du secteur de l’électrification à La Réunion et, plus largement, sur les procédures de passation de marchés dans les territoires ultramarins.