Plafonner les prix du pétrole russe au niveau mondial, selon une idée mise en avant par Washington au sommet du G7, impliquerait la mise en place d’un outil inédit dont les contours sont encore flous.
L’objectif d’un tel projet
Les Etats du G7 cherchent comment limiter les revenus que le Kremlin tire de ses importantes ressources énergétiques tout en atténuant l’impact sur leurs propres économies de l’explosion des coûts de l’énergie.
La guerre déclenchée par Moscou, les sanctions qu’elle a entraînées et les efforts des Occidentaux pour réduire leur dépendance au pétrole et au gaz russes ont accentué la flambée des cours des hydrocrabures.
Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, les prix ont grimpé à des sommets plus vus depuis la crise financière de 2008. De nombreux acheteurs occidentaux se sont cependant détournés du pétrole russe ces derniers mois, provoquant une dépréciation de sa valeur.
Mais la Russie trouve de nouveaux débouchés pour ses hydrocarbures. En mai, les importations de pétrole russe par la Chine ont bondi de 55% sur un an. Le mois dernier, le géant asiatique a acheté à la Russie quelque 8,42 millions de tonnes de pétrole, d’après les Douanes chinoises.
Quel serait le principe de ce plafonnement ?
Il s’agirait de former “un cartel de la demande” et “d’imposer à la Russie un prix maximum, par exemple 80 ou 60 dollars le baril”, au-delà duquel il n’y aurait plus d’acheteur pour la production russe, décrypte Alexander Sandkamp, de l’Institut d’économie mondiale de Kiel (IfW)
Conséquence évidente : le plafonnement des prix ne fonctionnerait que “si tous les grands pays acheteurs participent”, poursuit-il.
Un accord au niveau du G7 ne suffirait donc pas. Les Etats-Unis ont d’ailleurs déjà annoncé qu’ils n’achetaient plus de pétrole russe. L’Union européenne s’est engagée à le faire dans les six mois pour une majorité de ses
membres.
“On peut se demander si des pays comme l’Inde et la Chine accepteront de cesser d’acheter du pétrole russe d’autant plus que celui-ci se négocie à un prix nettement inférieur à celui du marché mondial”, note Carsten Fritsch, analyste pour Commerzbank.
Pour l’instant, “l’Inde aide la Russie à continuer à vendre son pétrole malgré les sanctions de l’Occident”, observe l’expert. “Le contrôle des prix est une excellente idée en théorie mais fonctionne rarement en pratique”, observe Neil Wilson, analyste pourMarkets.com.
Par quels mécanismes contrôler les prix ?
Parmi les pistes envisagées figurent celles des transports ou des assurances : par exemple “interdire aux armateurs grecs et aux courtiers en assurance britanniques de proposer des services pour le pétrole russe” si
celui-ci est vendu au-delà du prix fixé, explique à l’AFP l’expert en énergie Georg Zachmann, du think tank bruxellois Bruegel.
En revanche si le prix est suffisamment bas, les services de transport, de maintenance et d’assurance des cargaisons, indispensables pour pouvoir exporter, seraient autorisés. “C’est très inhabituel”, estime Georg Zachmann.
De nombreuses questions restent en suspens. Il faudrait déterminer par exemple quel serait le prix de référence – le prix final payé par le dernier client ou un autre prix intermédiaire.
Et il faudrait là aussi pouvoir constituer une large alliance, souligne Carsten Fritsch, citant encore l’exemple de l’Inde qui “a fourni une certification de sécurité pour plus de 80 navires appartenant à une filiale de la compagnie maritime nationale russe Sovcomflot, basée à Dubaï”, permettant à Moscou de contourner les sanctions qui l’empêchaient de faire appel aux organismes de certification occidentaux.
“Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons sortir de nos tiroirs comme si c’était une méthode déjà testée et approuvée… c’est un concept nouveau”, a commenté le principal conseiller diplomatique du président américain, Jake Sullivan, reconnaissant que même si le G7 s’accordait sur ce principe, toute la mécanique restait encore à inventer.