La production de pétrole brut de l’Alaska devrait croître de 13 % en 2026, selon l’Energy Information Administration (EIA), portée par deux nouveaux projets : Nuna, développé par ConocoPhillips, et Pikka Phase 1, opéré par Santos en partenariat avec Repsol. Il s’agirait de la plus forte hausse annuelle enregistrée depuis les années 1980. Bien que l’Alaska ne représente qu’environ 3,5 % de la production nationale américaine, ces volumes redonnent de la viabilité au Trans-Alaska Pipeline System (TAPS), dont le débit avait atteint un plancher historique proche du seuil opérationnel.
Stabilisation technique du pipeline et stratégie nationale
Avec un débit estimé à 477 kb/j en 2026, la production régionale dépasserait de nouveau le seuil critique pour le fonctionnement du TAPS, repoussant ainsi un désengagement structurel de l’infrastructure. Ce redressement arrive dans un contexte politique marqué par la révocation récente des limitations imposées au forage dans la National Petroleum Reserve–Alaska, ouvrant un espace d’expansion dans la zone. Pour les États-Unis, il s’agit aussi de sécuriser une part domestique de l’offre dans une région géopolitiquement stable, alors que les flux en provenance de Russie et d’OPEP+ restent incertains.
Acteurs industriels et arbitrage économique
Nuna, adossé au hub de Kuparuk, ajoute environ 20 kb/j à la production locale de ConocoPhillips. Ce projet de type « tie-back » permet d’exploiter les infrastructures existantes, réduisant ainsi les coûts d’investissement. Pikka Phase 1, quant à lui, vise un plateau de 80 kb/j sur trois décennies. Il constitue une nouvelle ancre opérationnelle pour Santos et Repsol sur le North Slope. Les puits de Pikka affichent des débits supérieurs à la moyenne alaskienne, renforçant l’intérêt pour de futures phases si les conditions de marché et réglementaires le permettent.
Logistique, destinations et dynamique régionale
Les deux projets empruntent la chaîne logistique classique du North Slope à Valdez via le TAPS, concentrant les flux sur un unique corridor logistique. Les cargaisons sont destinées principalement à la côte Ouest américaine et à certains clients asiatiques, en concurrence croissante avec les barils moyen-orientaux et russes. Cette configuration logistique renforce le positionnement géopolitique de l’Alaska dans le Pacifique Nord, surtout à l’heure où les sanctions perturbent les routes énergétiques russes.
Économie de projet et anticipation de marché
L’EIA prévoit un prix moyen du baril de West Texas Intermediate (WTI) autour de 65 USD en 2026. Dans ce cadre, les projets à faible coût marginal comme Nuna et Pikka deviennent attractifs, en comparaison aux projets greenfield plus capitalistiques. Leur rentabilité repose sur l’utilisation d’infrastructures existantes et un coût d’extraction compétitif malgré des contraintes logistiques propres aux environnements arctiques.
Environnement juridique, contestations et pression ESG
La décision de l’administration fédérale de revenir sur les limitations précédentes facilite à court terme les opérations, mais l’instabilité politique pourrait inverser cette dynamique après 2026. Les opérateurs restent également exposés à des actions juridiques portées par des ONG environnementales, même si Nuna et Pikka sont déjà largement engagés. Par ailleurs, les exigences accrues des financeurs en matière de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pourraient affecter les futures phases de développement ou leur refinancement.
Positionnement géopolitique et arbitrage stratégique
La montée en puissance des volumes alaskiens intervient alors que les États-Unis cherchent à renforcer leur rôle énergétique dans le Pacifique Nord. L’Alaska ne peut rivaliser en volume avec les exportations russes, mais il propose une alternative sécurisée pour les partenaires asiatiques. À l’échelle arctique, ce redéploiement américain envoie un signal aux autres États producteurs comme la Norvège et le Canada, à un moment où la compétition pour les derniers investissements upstream se réactive.