Le conflit entre ConocoPhillips et la société pétrolière vénézuélienne PDVSA (Petróleos de Venezuela, S.A.) trouve son origine dans la nationalisation des actifs de la compagnie américaine par le Venezuela au début des années 2000. Après plusieurs années de litiges et d’arbitrages, ConocoPhillips a obtenu un dédommagement de 1,33 milliard de dollars de la part de PDVSA. Cependant, le Venezuela a cessé les paiements en 2019, mettant fin à un accord de règlement partiel d’une valeur de 700 millions de dollars. Depuis, ConocoPhillips cherche à faire appliquer ce jugement dans différentes juridictions.
La décision récente de la Cour de Trinidad et Tobago représente un jalon important dans cette stratégie. Le juge Frank Seepersad a autorisé la saisie des paiements liés à la participation de PDVSA dans le projet gazier Dragon, estimant que la société vénézuélienne pourrait transférer ses actifs hors de la juridiction pour échapper à ses obligations. Il a notamment évoqué le déplacement du siège européen de PDVSA à Moscou comme un précédent inquiétant pour les créanciers internationaux.
Implications pour le projet Dragon
Le champ gazier Dragon, situé à la frontière maritime entre Trinidad et le Venezuela, est une composante clé de la stratégie énergétique de la région. Le projet, développé en partenariat avec la National Gas Company of Trinidad and Tobago (NGC) et Shell, vise à exploiter des réserves de gaz sous-marines dans un cadre complexe marqué par les sanctions américaines. La participation de PDVSA dans ce projet rend les paiements vulnérables à des saisies, compliquant les négociations avec les autres partenaires et retardant le démarrage de la production.
L’intervention de ConocoPhillips met en lumière les difficultés rencontrées par PDVSA pour protéger ses actifs internationaux, alors que les tentatives de saisies se multiplient. PDVSA pourrait ainsi voir ses revenus diminuer, ce qui limiterait sa capacité à financer d’autres projets transfrontaliers, notamment le développement des champs Manakin-Cocuina et Loran, également dans le viseur de la société américaine.
Conséquences financières pour PDVSA
La saisie potentielle des paiements du projet Dragon par ConocoPhillips expose PDVSA à de nouveaux risques financiers. Déjà affectée par une baisse de sa production et des sanctions sévères, PDVSA se trouve dans une position de plus en plus précaire. Cette décision de justice pourrait également affecter d’autres partenariats internationaux, notamment ceux avec la Guyana et la Jamaïque, où la société détient encore des actifs exploitables. Le gouvernement guyanais a récemment contesté une décision similaire de la cour locale, qui aurait permis à ConocoPhillips de saisir les paiements liés à un accord pétrolier avec PDVSA.
Dans ce contexte, la capacité de PDVSA à honorer ses engagements vis-à-vis de ses partenaires et de ses créanciers devient de plus en plus limitée. Le recours à des licences spécifiques de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) pour le projet Dragon montre à quel point la situation est délicate : les entreprises comme Shell et NGC doivent naviguer entre les restrictions légales tout en cherchant à sécuriser leurs investissements. Cette pression supplémentaire pourrait remettre en question la viabilité du projet et, par extension, les revenus attendus pour PDVSA.
Impact sur la coopération régionale
Au-delà des implications financières pour PDVSA, cette décision de justice soulève des questions plus larges sur la coopération énergétique entre Trinidad et le Venezuela. Depuis plusieurs années, les deux pays tentent de mettre en place une collaboration transfrontalière pour exploiter les ressources gazières dans une région où la demande énergétique est croissante. Cependant, les différends juridiques et les saisies d’actifs rendent cette coopération difficile, dissuadant potentiellement d’autres acteurs de s’impliquer dans des projets similaires.
Le soutien américain sous forme de licences OFAC spéciales pour le projet Dragon reflète l’importance géopolitique de cette collaboration. Toutefois, si PDVSA continue à voir ses paiements saisis par des créanciers étrangers, cela pourrait dissuader Trinidad de s’engager plus avant dans des projets communs avec Caracas, poussant le pays à se tourner vers d’autres partenaires régionaux.
L’issue de cette affaire pourrait redéfinir la manière dont les sociétés énergétiques internationales approchent leurs relations avec le Venezuela, à la fois en termes de gestion des risques juridiques et de stratégie d’investissement.