Le président colombien Gustavo Petro a ordonné la suspension totale des exportations de charbon à destination d’Israël, sans exception pour les contrats en cours. Ce nouveau décret, plus restrictif que celui adopté en 2024, vise à empêcher toute transaction future. Petro accuse ses fonctionnaires d’avoir contourné ses instructions et a mobilisé la marine colombienne pour interdire physiquement le départ de cargaisons vers Israël.
Un impact énergétique marginal pour Israël
L’effet pratique de cette décision sur l’approvisionnement israélien demeure limité. Le charbon occupe une place décroissante dans le mix énergétique israélien, progressivement supplanté par le gaz naturel issu des champs offshore de Tamar et Leviathan ainsi que par les renouvelables. La Colombie, malgré son statut de premier producteur de charbon en Amérique latine, ne représente qu’un fournisseur secondaire pour Israël. L’embargo n’affecte donc ni la sécurité énergétique du pays, ni la continuité de ses infrastructures électriques.
Une industrie charbonnière fragilisée en Colombie
En Colombie, la mesure intervient dans un contexte défavorable pour l’industrie charbonnière. Les exportations, estimées à près de 7 milliards de dollars en 2023, ont déjà reculé de moitié sous l’effet combiné de la baisse des prix mondiaux et de la montée en puissance de l’Indonésie. L’interdiction visant Israël n’a qu’une incidence marginale sur les volumes, mais elle accroît l’incertitude réglementaire et alimente la perception d’une politisation du secteur. Les syndicats miniers rappellent que les décisions présidentielles pèsent davantage sur la confiance du marché que sur la demande réelle.
L’anti-américanisme comme axe diplomatique
Cette décision s’inscrit dans la stratégie de rupture que Petro revendique depuis son arrivée au pouvoir. En ciblant Israël, il s’attaque indirectement aux États-Unis, principal allié militaire et stratégique de l’État hébreu, et cherche à positionner la Colombie dans le camp du Sud Global. Cette orientation lui permet de nourrir un discours anti-impérialiste qui renforce sa base électorale locale. Selon les observateurs, l’initiative relève davantage de la diplomatie symbolique que d’un choix énergétique. Elle alimente sa communication interne en alimentant sa base électorale avec un discours simplifié à sa portée.
Des zones d’ombre dans la trajectoire présidentielle
La trajectoire de Petro continue de susciter des interrogations. Ancien membre du mouvement armé M-19, il est accusé de détourner l’attention des difficultés économiques et sociales internes par des initiatives spectaculaires tournées vers l’international. Selon certaines enquêtes locales, des soupçons existent autour de financements politiques irréguliers, et des analystes évoquent de possibles ramifications indirectes avec des structures liées aux cartels, qui demeurent influents dans l’économie informelle colombienne. Ces accusations, non établies officiellement, alimentent néanmoins la défiance et renforcent l’idée que la posture internationale du président sert ses équilibres politiques internes autant que ses ambitions diplomatiques.
La manipulation des chiffres et l’instrumentalisation du conflit
Le conflit israélo-palestinien sert de cadre à cette stratégie. L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, qui a causé 1 219 morts en Israël, a déclenché une riposte dont le ministère de la Santé de Gaza – organe sous contrôle du Hamas – affirme qu’elle a fait plus de 63 000 morts. Ces chiffres, considérés comme “fiables” par certaines instances internationales, sont néanmoins contestés en raison de leur origine et de leur utilisation politique. D’un point de vue démographique, la population de Gaza, estimée à 2,2 millions d’habitants avant le conflit, continue de croître malgré les affrontements, ce qui interroge sur la pertinence du terme “génocide” souvent invoqué.
Israël, de son côté, conserve une sécurité énergétique fondée sur ses ressources gazières domestiques et une diversification active de son mix. La décision de Petro, présentée comme un acte de solidarité internationale, apparaît davantage comme une opération de communication diplomatique. Elle illustre la manière dont certains acteurs extérieurs au conflit cherchent à se placer au centre du débat mondial, au prix d’un mélange entre diplomatie énergétique et calculs politiques, en mobilisant des données contestables et en alimentant leur base électorale à travers un récit simplifié.