L’Union européenne impose des normes strictes pour réduire les émissions de CO2 dans l’industrie automobile. À partir de janvier 2025, les constructeurs devront atteindre une moyenne de 93,6 grammes de CO2 par kilomètre pour l’ensemble de leurs ventes en Europe. Un défi conséquent pour un secteur qui, jusqu’à présent, peinait déjà à respecter les seuils antérieurs, malgré les efforts notables en faveur de l’électrification des véhicules.
Les constructeurs européens, comme Renault et Volkswagen, sont confrontés à des choix difficiles. Selon Josep Maria Recasens, directeur opérationnel d’Ampere (filiale électrique de Renault), si les ventes de véhicules électriques stagnent autour de 14 % des ventes totales, l’industrie pourrait être forcée de réduire drastiquement la production de véhicules thermiques, jusqu’à 2,5 millions d’unités annuelles, entraînant ainsi la fermeture de plusieurs usines en Europe.
Risque de pénalités et stratégies alternatives
Face à ces nouvelles exigences, les pénalités financières menacent de devenir un poids lourd pour les constructeurs. Selon les estimations du cabinet Alix Partners, ces pénalités pourraient atteindre jusqu’à 50 milliards d’euros sur la période 2025-2029 si les constructeurs n’augmentent pas leurs ventes de véhicules électriques. La stratégie de certains groupes consiste à acheter des crédits d’émissions auprès de constructeurs moins polluants, comme Tesla ou Volvo. Cependant, pour de nombreux dirigeants, cette solution est peu viable à long terme, certains la décrivant même comme une manière de « financer ses concurrents ».
Une autre alternative pour réduire les émissions des véhicules thermiques consiste à améliorer leur efficacité environnementale, par exemple en modifiant la transmission ou en augmentant la proportion de véhicules hybrides. Le groupe Renault mise ainsi sur des modèles hybrides performants et sur l’arrivée prochaine de ses nouveaux modèles électriques, comme la R4 et la R5, disponibles à partir de 25 000 euros, pour renforcer sa présence sur le segment électrique.
Concurrence et pression des fabricants chinois
En parallèle, la montée des constructeurs chinois accentue la pression. Ces derniers, bénéficiant de coûts de production plus bas, s’implantent de plus en plus sur le marché européen, malgré les barrières douanières. Le ralentissement des ventes de véhicules électriques en Europe, constaté depuis fin 2023, risque ainsi de compliquer la tâche des constructeurs européens, qui voient leurs parts de marché menacées. Des marques comme Volkswagen, dont les ventes d’électriques progressent moins vite que prévu, ont choisi de réduire les prix de leurs modèles électriques existants pour rester compétitifs, comme les ID.3 et ID.4. Par ailleurs, Volkswagen a déjà signalé la possible fermeture de trois de ses usines en Allemagne si les objectifs ne sont pas atteints.
Une divergence entre constructeurs sur les normes européennes
Le resserrement des normes suscite des tensions entre les principaux constructeurs. Alors que Volkswagen et Renault ont plaidé pour une révision des objectifs de CO2 à partir de 2025, le groupe Stellantis, au contraire, refuse toute modification. Le directeur financier de Stellantis, Doug Ostermann, rappelle que le groupe s’est préparé de longue date à cette transition et qu’il est prêt à conquérir sa part de marché. Stellantis prévoit d’ailleurs de proposer une gamme étendue de véhicules hybrides et électriques, afin de s’adapter aux différentes demandes du marché.
Pour nombre de constructeurs, le virage vers l’électrique est inéluctable, mais les contraintes économiques et industrielles sont loin d’être négligeables. La transition vers une production plus verte implique des investissements conséquents et une réorganisation majeure, avec pour horizon l’objectif de neutralité carbone fixé par l’Union européenne pour 2050. Cependant, dans un contexte de concurrence accrue et de coûts de production élevés, le respect de ces normes sans altérer la rentabilité et la compétitivité des entreprises reste un défi de taille.