Le Parlement européen doit adopter mardi plusieurs textes clés du plan climat de l’UE, dont la vaste réforme de son marché carbone et la « taxe carbone » aux frontières pour verdir ses importations, après l’accord trouvé mi-décembre avec les Etats membres. Les eurodéputés voteront en outre mercredi sur un règlement interdisant l’importation de produits issus de la déforestation.
Réforme du marché carbone
Cette réforme doit permettre de concrétiser les ambitieux objectifs de réduction des gaz à effet de serre du plan climat des Vingt-Sept. Pour couvrir leurs émissions de CO2, les producteurs d’électricité et industries énergivores (sidérurgie, ciment…) dans l’UE doivent aujourd’hui acheter des « permis de polluer » sur le marché européen des quotas d’émissions (ETS), créé en 2005 et s’appliquant à 40% des émissions du continent. Le total des quotas créés par les Etats baisse au fil du temps pour inciter l’industrie à émettre moins.
La réforme prévoit une accélération du rythme de réduction des quotas proposés, avec d’ici 2030 une baisse de 62% par rapport à 2005 (contre un objectif précédent de 43%): dans l’ensemble, les industriels concernés devront automatiquement diminuer d’autant leurs émissions. Le marché carbone s’étendra progressivement au secteur maritime, aux émissions des vols aériens intra-européens, et à partir de 2028 aux sites d’incinération de déchets, sous réserve d’une étude favorable rendue par Bruxelles.
Un second marché du carbone (ETS2) est prévu pour le chauffage des bâtiments et les carburants routiers. Les ménages paieront un prix du carbone sur le carburant et le chauffage à partir de 2027, mais ce prix sera plafonné à 45 euros/tonne au moins jusqu’en 2030, et si la flambée actuelle des prix énergétiques se poursuivait, l’entrée en application serait repoussée à 2028. Les eurodéputés devraient également valider l’extension du marché carbone au transport maritime et la fin progressive des quotas gratuits alloués aux compagnies aériennes à partir de 2026. Le rapporteur, l’eurodéputé allemand Peter Liese (PPE, droite), s’est félicité lundi de voir le Parlement « sur le point d’adopter la plus grande loi de protection du climat de tous les temps ».
« Taxe carbone » aux frontières
Ce « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » (CBAM en anglais) n’est pas à proprement parler une taxe, mais un dispositif sans précédent consistant à appliquer aux importations des Vingt-Sept les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l’UE sont tenus d’acheter des quotas couvrant leurs émissions polluantes.
En pratique, l’importateur devra déclarer les émissions liées au processus de production, et si celles-ci dépassent le standard européen, acquérir un « certificat d’émission » au prix du CO2 dans l’UE. Si un marché carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence. Il visera les secteurs jugés les plus polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité). Les eurodéputés ont obtenu d’y ajouter l’hydrogène, certains produits dérivés (boulons…), et Bruxelles devra étudier l’éventuelle extension à la chimie organique et aux polymères (plastiques).
Les revenus attendus, qui pourraient dépasser 14 milliards d’euros annuels, alimenteront le budget général de l’UE. Une période-test commencera dès octobre 2023, durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations. A mesure que montera en puissance — entre 2026 et 2034 — cette « taxe carbone » aux frontières, l’UE supprimera progressivement les quotas d’émission gratuits alloués jusqu’ici aux industriels européens pour leur permettre d’affronter la concurrence extra-européenne.
Fonds social
Doté de 86,7 milliards d’euros, un Fonds social pour le climat (FSC) destiné à aider les micro-entreprises et les ménages vulnérables dans cette transition énergétique, doit voir le jour en 2026. Les recettes du nouveau marché du carbone (ETS2) viendront alimenter l’essentiel de ce fonds. Il est destiné à financer des mesures temporaires de soutien direct aux revenus pour faire face à l’augmentation des prix du transport routier et du chauffage, mais aussi des investissements à long terme, comme la rénovation des bâtiments, l’intégration des énergies renouvelables, l’achat et les infrastructures pour les véhicules à émissions nulles ou faibles, ainsi que l’utilisation des transports publics et des services de mobilité partagée.
L’eurodéputée française Manon Aubry (GUE/NGL, gauche radicale), a dénoncé l’extension du marché carbone aux particuliers comme une mesure qui « va impacter les prix du transport et du logement ». « Rien n’a été appris des gilets jaunes », a-t-elle tweeté. Des propos dont l’élue Marie-Pierre Vedrenne (Renew Europe, centristes et libéraux) a fustigé la « démagogie », mettant en avant la mise en place de ce fonds social pour le climat.