La Chine souhaite fermer près de 40.000 centrales hydroélectriques. Cela semble contrevenir à son objectif ambitieux de neutralité carbone d’ici à 2060. Si la Chine essaie de sevrer son économie des combustibles fossiles, elle doit également composer avec des conditions environnementales exigeantes.
La Chine à la conquête de la nature
La Chine de Mao Zedong a porté, à partir des années 50, un projet bien précis : « conquérir la nature ». La construction de barrages et autres infrastructures s’est ensuite intensifiée avec l’objectif de maîtriser l’irrigation des terres. Cette politique a ainsi stimulé la production d’électricité, réduit les inondations, irrigué les champs et apporté l’eau potable aux villes.
Wang Yongchen, fondateur de Green Earth Volunteers, organisation non gouvernementale basée à Pékin, et impliqué dans la protection des rivières, déclare :
« Pendant longtemps, les gens ont pensé que c’était du gaspillage de laisser la rivière couler devant vous sans rien faire ».
Cette régulation à marche forcée a néanmoins participé du dérèglement des rapports entre les habitants et leur environnement. La nature façonnée par la main de l’Homme fait fi des capacités d’absorption, d’extension et de production des systèmes. Nombre de barrages ne peuvent générer des quantités suffisantes d’électricité, d’autres deviennent caduque à mesure que s’assèche les rivières.
40.000 centrales hydroélectriques en voie de fermeture
Face à ce constat en demi-teinte, certains des projets hydroélectriques les plus célèbres du pays trouvent de nouvelles fonctionnalités. Dans une banlieue ouest de Pékin, un projet hydroélectrique est en passe d’être transformé en site touristique. Le projet de 6 MW, à Shijingshan, a pourtant été la première grande centrale hydroélectrique automatisée construite de manière indépendante.
Construite sur un canal de dérivation de la « rivière mère » de Pékin, le Yongding, est aujourd’hui une source trop polluée. Les sécheresses et la demande croissance en eau des villes en amont, ont privé la centrale d’eau, touchant sa capacité électrique. Cet ancien centre industriel de Pékin n’a pas cessé ses activités, il les a réorientées.
80 projets de conservation de l’eau
Devant le constat de conditions climatiques de plus en plus contraignantes, la région de Pékin change de cap. En lieu et place de l’exploitation pure de la nature, un nouvel objectif émerge : conserver l’eau. Et pour cause, le climat à Pékin a changé, la rivière s’assèche et l’eau est de plus en plus sale.
La localisation géographique détermine largement le succès de la reconversion des barrages et des centrales. Les barrages près de la capitale trouvent rapidement un nouveau souffle, contrairement à ceux des villes et villages plus reculés. Au cœur de ces projets de conversion émerge un constat : la mauvaise planification de certains sites, aujourd’hui à l’abandon.
Barrages en cascade, menace pour la sécurité
La Chine a construit des barrages de manière frénétique. Fin 2017, le Yangtze, plus long fleuve chinois et ses affluents, comptaient 24.000 centrales hydroélectriques réparties dans 10 provinces. La construction s’est réalisée sans analyse préalable : au moins 930 d’entre eux n’ont pas bénéficié d’une évaluation environnementale.
Durant les crues estivales, les dangers que font peser ces barrages s’intensifient. 3515 réservoirs auraient éclaté entre 1951 et 2011, selon le ministère chinois des Ressources en eau. Parmi eux, le barrage Bangiao de la province du Henan, détruit par une crue torrentielle en août 1975, tuant 240.000 personnes.
Par ailleurs, les grands barrages et leurs réservoirs sont vivement critiqués pour leur impact sur l’environnement. Ils modifient le débit des rivières, assèchent les lacs, dérègle la migration des poissons. Malgré la construction du projet hydroélectrique de 16 GW de Baihetan en 2021, qui sera parmi les plus grands barrages du monde, la Chine souhaite stopper le développement des petites centrales.
Les catastrophes impliquant les barrages hydroélectriques ont déclenché une prise de conscience quant à la nécessaire protection de l’environnement et des Hommes. En 2018, à la suite d’une visite dans une région sinistré, le président Xi lance une campagne. Objectif : 40.000 petites centrales hydroélectriques devront être supprimées ou améliorées.
Une question de responsabilité
Plusieurs problèmes demeurent : les coûts de destruction, le devenir des infrastructures, le maintien de l’effort pour la transition énergétique. À l’exception des sites attractifs tels que Moshikou, peu de projets bénéficient du financement de Pékin. Le défi majeur reste celui de l’actualisation de l’imaginaire d’un territoire infini dont il s’agirait d’extraire les ressources.
La Chine, en modifiant sa stratégie hydroélectrique, tente de renouveler les rapports régulant l’activité humaine et l’environnement. L’industrie chinoise elle-même pourrait prendre en charge les coûts que les collectivités ne peuvent assumer seules. Elle rembourserait ainsi, une part de sa dette environnementale et soutiendrait une transition énergétique profonde.