Le groupe pétrolier Chevron est en discussions avancées pour acquérir une partie des actifs internationaux de Lukoil, l’une des principales compagnies russes de pétrole. Cette opération s’inscrit dans un cadre juridique précis, imposé par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), qui encadre le retrait ordonné d’entreprises russes des marchés internationaux depuis leur inscription sur la liste des entités sanctionnées.
Des actifs stratégiques placés sous supervision américaine
Le portefeuille en question comprend des participations dans des champs pétroliers en Irak, au Kazakhstan, en Ouzbékistan, au Mexique, ainsi qu’un important réseau de stations-service et de raffineries en Europe. Ensemble, ces actifs représentent environ 0,5 % de la production mondiale de pétrole, soit quelque 500 000 barils par jour. Bien que ces actifs ne pèsent que 5 % dans la production de Lukoil, ils compteraient pour environ un quart de sa valorisation boursière.
L’OFAC a délivré plusieurs licences générales temporaires autorisant la cession de ces actifs jusqu’au 21 novembre. Ces licences permettent également à des sociétés américaines ou partenaires d’engager des discussions de rachat, à condition qu’elles soient conformes à la réglementation. Chevron apparaît comme le repreneur privilégié, après que le rachat initial par Gunvor a été bloqué par le Trésor américain.
Un intérêt tactique pour Chevron et ses partenaires
Pour Chevron, l’opération présente plusieurs atouts. Elle lui offrirait un accès direct à des infrastructures de raffinage et de distribution en Europe, secteur historiquement dominé par les majors européennes. Les actifs visés sont générateurs de flux de trésorerie, bien que classés “distressed” en raison de leur exposition aux sanctions.
Lukoil a officiellement annoncé son intention de céder ses actifs internationaux. Le groupe russe cherche à éviter un gel prolongé de ses avoirs et les risques opérationnels qui en découlent. La société espère bénéficier d’une prolongation des licences actuelles, afin de négocier plusieurs offres et sécuriser au mieux la valeur de cession.
Rôle actif de l’administration américaine dans la structuration du deal
L’administration américaine supervise étroitement le processus de cession. Les licences émises ne se limitent pas à autoriser un retrait, mais permettent également des négociations de type fusion-acquisition. La sélection implicite de Chevron comme repreneur par Washington s’explique par sa conformité aux règles de sanctions et par ses liens existants dans des projets comme le consortium Caspian Pipeline.
Le cas Gunvor, dont l’offre d’environ $22bn a été écartée en raison de liens jugés trop proches du Kremlin, a renforcé la volonté de voir un acteur américain ou occidental “de confiance” prendre le relais. Cette logique pourrait se prolonger avec l’entrée potentielle du fonds Carlyle, en appui ou en complément de Chevron.
Conséquences pour le marché et les entreprises impliquées
La vente pourrait impacter l’approvisionnement régional en produits raffinés, notamment en Europe de l’Est et dans les Balkans. Les contrats en cours, notamment ceux de long terme, devront probablement être renégociés en fonction du repreneur et des conditions imposées par les régulateurs européens.
Pour Lukoil, cette opération se traduirait par une perte stratégique majeure, affectant son empreinte internationale et l’accès aux marchés hors Russie. À l’inverse, Chevron consoliderait sa présence dans des segments critiques de la chaîne pétrolière, tout en augmentant sa sensibilité aux évolutions réglementaires transatlantiques.