La capacité en GNL devrait croître considérablement dans un contexte de demande accrue durant les prochaines décennies. Ces prévisions de Baker Hughes suscitent l’inquiétude à l’heure où les prix du gaz atteignent un plus haut historique. L’Union Européenne (UE) et le Royaume-Uni, qui ne disposent pas de réserves suffisantes, souffrent particulièrement de cette situation.
La capacité en GNL devrait doubler en 10 ans
Baker Hughes estime que la capacité de production mondiale de GNL devrait atteindre 800 millions de tonnes d’ici à 2030. Cela représente plus du double de la capacité actuelle. Le géant des services pétroliers et gaziers voit de fortes perspectives pour le gaz dans la transition énergétique. Le GNL, associé à la capture et au stockage du carbone pourrait en ce sens réduire l’empreinte carbone de l’industrie.
En 2020, il y avait environ 345 millions de tonnes de GNL produite. Le groupe note que les investissements, poussés par la capacité et la demande, pourraient générer 100 à 150 millions de tonnes supplémentaires au cours des prochaines décennies, rien qu’en Amérique de Nord. Des prévisions surévaluées par rapports à celles effectuées par le cabinet Wood Mackenzie. Il estime, lui, que la demande mondiale se situera plutôt autour de 250 millions de tonnes d’ici à 2040.
Un marché porté par les mesures de décarbonation de l’économie mondiale
En outre, le groupe relève que la demande pourrait être stimulée par les produits issus de la pétrochimie. À l’image des tuyaux non métalliques par exemple. La demande pourrait également être portée par les mesures contre les émissions de carbone, notamment dans le secteur des transports. Le GNL à faible teneur en carbone pourrait servir de nouveau carburant moins polluant.
Pour l’heure, les prix mondiaux du gaz atteignent des « niveaux extrêmes » en raison des faibles stocks et de la forte demande asiatique et européenne. Or les perspectives d’évolution du marché sont évaluées à la hausse pour au moins cinq ans déclare Russell Hardy, PDG de Vitol.
Pour l’heure, les prix explosent
En Europe, la flambée des prix se répercute sur les contrats gaziers. Ainsi S&P Global Platts évalue le contrat de gaz naturel day-ahead néerlandais (TTF) à €68,375 euros/MWh le 24 septembre 2021, contre €11,40/MWh à la même date en 2020.
Les prix internationaux sont tout aussi impressionnants. Le Platts JKM (référence au comptant) livré en Asie du Nord-Est a récemment été évaluée au-dessus de $28/MMBtu. Soit un bond de six fois son prix en un an.
L’approvisionnement européen en flux tendu se répercute sur les prix
En Europe, partout les marchés du gaz sont pris dans un étau. La Russie fournit des volumes inférieurs comparés aux dernières années. Gazprom s’attend à ce que ses ventes en Europe et en Turquie totalisent 183 milliards de m3 (Gm3) en 2021. Soit bien en deçà de son pic record de 201 Gm3 de 2018.
Cette situation inquiète particulièrement l’Allemagne, 1er importateur de gaz d’Europe, pour qui cette ressource est vitale. D’autant que le gazoduc Nord Stream 2 qui fournirait théoriquement 55 Gm3/an supplémentaires, n’est pas encore en service. Avec des coûts de transit beaucoup plus bas que via l’Ukraine, le gazoduc devient pourtant essentiel à l’Allemagne dans un contexte de hausse des prix. Pour l’heure, les règlementations européennes bloquent sa mise en route.
Le Royaume-Uni dépend également essentiellement de l’importation. Or les Britanniques ont déjà subi en 2020 une augmentation de 500% des prix de gros du gaz sur le marché intérieur. Une situation aggravée ces dernières semaines par la faiblesse du rendement énergétique des énergies renouvelables. Le pays a donc dû augmenter sa production et sa consommation de gaz, tout en redémarrant des centrales à charbon.
De plus, le froid extrême de l’hiver 2020 a réduit les stocks de gaz naturel dans l’Ouest. Ceux-ci n’ont pas pu être reconstitués à temps. Cette situation a entraîné des prix records de près de $26 (MMBtu). Russell Hardy souligne ainsi que la météo sera encore un facteur dominant de la demande pour cet hiver 2021.
La crise du stockage du gaz se renforce
« L’ensemble du marché est actuellement dominé par un manque de stocks ». déclare Simon Thorne, responsable mondial de la production de carburants et d’énergie électrique chez S&P Global Platts Analytics.
L’absence de stock supprime tout effet tampon entre l’offre et la demande qui sont désormais à flux tendu. L’Europe n’est pas en reste. Les sites de stockage au sein de l’UE sont pleins à 72%, contre des niveaux de stocks de 94% à la même période en 2020.
Renforcer les obligations légales de stocks ?
Les prix records du gaz ont semé la panique en Europe et laissé les décideurs politiques exempts de réponses. De nombreuses solutions sont évoquées. Renflouer les fournisseurs d’électricité, protéger les consommateurs au détail, demander plus de gaz à la Russie. Mais il semble que la reconstitution de la capacité en GNL sous forme de réserves soit une solution inévitable à terme.
En outre, l’Agence internationale de l’Énergie exige de ses 30 pays membres qu’ils détiennent l’équivalent de 90 jours d’importations de pétrole en réserve stratégique en cas de chocs imprévus. Une telle politique n’existe pas pour le gaz, qui dépend dans toute l’Europe des stocks commerciaux. Pourtant, plusieurs pays de l’UE ont une réglementation qui exige des niveaux de stockage minimum, y compris l’Italie et la France. Mais il n’y a pas de politique centralisée.
La Chine et les États-Unis ont quelques réserves
Les États-Unis ont utilisé leur réserve stratégique de pétrole créée par le président Gerald Ford en 1975 pour créer un effet tampon. Plus tôt ce mois-ci, la Chine a puisé dans ses propres réserves stratégiques de pétrole pour faire baisser les prix. L’Inde maintient également ses propres stocks de brut à utiliser en cas d’urgence.
La création d’un système similaire en Europe pour le gaz est une idée à considérer. Cela agirait comme un tampon ou un complément pour garantir que les stocks commerciaux soient maintenus au-dessus des moyennes quinquennales.
Le marché du gaz semble donc amorcer un tournant historique, alors que les sources d’énergie émettrice de CO2 comme le pétrole sont de moins en moins utilisées. Le gaz apparaît ainsi de plus en plus comme une ressource stratégique pour produire de l’électricité avec peu d’émission. La demande de gaz a considérablement augmenté alors que dans la plupart des pays les ressources renouvelables sont insuffisantes pour satisfaire une demande croissante en énergie. Conséquence directe : difficultés à constituer les stocks et explosion des prix.