La Commission européenne s’apprête à intervenir directement dans la planification des réseaux électriques afin de lever les blocages qui freinent l’intégration des énergies renouvelables. En ciblant les interconnexions transfrontalières, l’exécutif européen entend réduire les pertes liées à la congestion, améliorer la stabilité du marché et renforcer la compétitivité industrielle du bloc. Ce projet s’inscrit dans le cadre du European Grids Package, une initiative législative visant à moderniser les infrastructures critiques.
Permis accéléré et principe d’accord tacite
Le plan introduit un mécanisme d’autorisation accélérée pour les projets jugés stratégiques, avec un délai maximal de six mois. En cas d’absence de réponse administrative, une autorisation tacite sera considérée comme acquise. Ce dispositif vise à contourner les lenteurs observées dans plusieurs États membres, où les délais actuels bloquent des capacités importantes. Il cible en priorité les infrastructures transnationales, notamment les lignes haute tension à courant continu (HVDC), destinées à relier les zones de production renouvelable éloignées aux centres de consommation.
Des pertes de capacité croissantes
Les limitations actuelles du réseau électrique européen contraignent plusieurs dizaines de gigawatts de projets renouvelables. En Espagne, en Italie ou en Europe du Sud-Est, de nombreux parcs solaires et éoliens restent partiellement ou totalement déconnectés en raison d’un manque d’interconnexions. Cette situation provoque des pertes financières pour les opérateurs et augmente les prix de gros de l’électricité. La Commission estime qu’un renforcement du réseau pourrait réduire les coûts système de plusieurs milliards d’euros.
Reconnaissance des investissements anticipés
L’exécutif européen prévoit également d’autoriser les investissements anticipés dans les réseaux, même en l’absence de projets de production déjà identifiés. Ce changement réglementaire pourrait permettre aux gestionnaires de réseaux de transport (Transmission System Operators – TSO) de planifier des extensions à long terme, en réponse aux perspectives de croissance du solaire, de l’éolien et de l’électrification industrielle. Le financement et la répartition des coûts entre pays membres restent toutefois à préciser.
Pression sur les États membres et acteurs du marché
La Commission européenne entend renforcer son rôle dans la définition des priorités d’infrastructure, traditionnellement réservées aux autorités nationales. Cette centralisation pourrait susciter des résistances, en particulier dans les pays réticents à céder une part de leur souveraineté énergétique. Du côté des opérateurs et développeurs, le plan ouvre des perspectives concrètes : les projets gelés pourraient être relancés, et la prévisibilité réglementaire améliorée.
Un impact attendu sur les prix et l’attractivité industrielle
La réforme vise également à réduire les écarts tarifaires entre régions européennes. En fluidifiant les échanges d’électricité, notamment entre la péninsule Ibérique et le reste du continent, les congestions devraient diminuer, limitant les curtailments et les pics de prix. Pour les industries électro-intensives, cela pourrait représenter un gain de compétitivité et réduire le risque de délocalisation.