Le contrat de construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires en République tchèque par Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP) est désormais suspendu à la demande de la Commission européenne. Ce projet, estimé à 400 milliards CZK ($18bn), représente le plus important appel d’offres public jamais lancé par le pays. Il vise à renforcer la capacité nucléaire nationale en remplaçant les unités vieillissantes et les centrales à charbon.
Bruxelles déclenche le contrôle sur les subventions étrangères
Le 2 mai, le commissaire européen à la Stratégie industrielle, Stéphane Séjourné, a envoyé une lettre au gouvernement tchèque, révélée par l’agence tchèque CTK et confirmée le 12 mai par un porte-parole de la Commission. Celui-ci a précisé lors d’un point presse en ligne que Bruxelles « soulève des préoccupations dans le cadre du règlement sur les subventions étrangères concernant le soumissionnaire sud-coréen », tout en ajoutant qu’aucune enquête approfondie n’était encore ouverte.
Ce règlement, entré en vigueur en juillet 2023, impose aux entreprises étrangères ayant bénéficié d’aides publiques de notifier ces soutiens lors des appels d’offres dans l’Union européenne. KHNP est soupçonnée d’avoir reçu des soutiens financiers de la part du gouvernement sud-coréen, ce qui pourrait avoir faussé la concurrence avec l’offre d’Électricité de France (EDF), rejetée au terme de la procédure.
Un contrat gelé par la justice et contesté par EDF
Un tribunal régional tchèque a déjà suspendu, le 6 mai, la signature du contrat entre CEZ et KHNP dans l’attente d’un jugement sur la plainte d’EDF. L’énergéticien français conteste la régularité de l’appel d’offres. CEZ, détenue majoritairement par l’État, devait signer le contrat après avoir reçu le feu vert de l’autorité tchèque de la concurrence.
Le directeur général de CEZ, Daniel Benes, a déclaré que « les Français feront tout pour empêcher la construction de cette centrale », accusant EDF de chercher à bloquer le projet. CEZ a annoncé envisager une demande d’indemnisation pour les retards occasionnés, qui pourraient compromettre l’objectif de mise en service du premier réacteur en 2036.
Un enjeu industriel et financier pour la Tchéquie
Le projet prévoit deux réacteurs de 1 063 mégawatts chacun sur le site existant de Dukovany. Le groupe CEZ exploite déjà deux centrales nucléaires, Temelin et Dukovany, qui fournissent à elles seules près de 40% de l’électricité du pays. Pour alléger la charge financière de CEZ, le gouvernement a validé en avril l’acquisition d’une participation de 80% dans EDU II, filiale dédiée à la construction des nouvelles unités.
KHNP, de son côté, a déclaré avoir participé « de manière fidèle et responsable » à l’appel d’offres. Le ministère tchèque de l’Industrie n’a pas encore commenté officiellement la situation.