La cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’autorisation environnementale pour l’implantation de trois éoliennes à Porspoder, dans le Finistère. Cette décision, rendue le 1er octobre 2024, met en lumière les défis liés au développement des énergies renouvelables dans des zones à forte valeur patrimoniale. Le projet, autorisé initialement par le préfet du Finistère en juillet 2022, a été contesté en raison de sa proximité avec les menhirs de Kergadiou, monuments historiques datant de plus de 4000 ans.
Conflit entre patrimoine historique et développement énergétique
Les menhirs de Kergadiou, situés à seulement 540 mètres de l’emplacement de la troisième éolienne prévue, sont classés depuis 1883 au titre des monuments historiques. Le tribunal a jugé que l’installation de ces éoliennes aurait un impact visuel dégradant sur ces vestiges archéologiques, altérant ainsi la perception et le rapport d’échelle de ces mégalithes dans leur environnement. Cette opposition entre la préservation des sites historiques et l’implantation de projets énergétiques est récurrente en France, où le développement des infrastructures doit concilier les impératifs de transition énergétique avec la protection du patrimoine culturel.
La cour a également mis en avant que d’autres sites mégalithiques, situés dans un rayon de 1 000 à 1 750 mètres, auraient été affectés par l’installation des éoliennes, parmi lesquels les menhirs de Traon-Igou, ceux de Mesdoun, ou encore le dolmen de Mezou Poulyot. Les associations locales de préservation du patrimoine, telles que l’Association pour la Protection de l’Aber Ildut et l’Association Sauvegarde Paysages d’Iroise, ont soutenu les recours déposés par les riverains pour faire annuler ce projet.
Opposition locale et avis défavorables ignorés
La décision du préfet de maintenir le projet, malgré les nombreux avis négatifs, a été un point de discorde majeur. L’architecte des bâtiments de France, les communes de Plourin et Lanildut, ainsi que la commissaire enquêtrice, avaient tous émis des réserves quant à l’impact paysager et patrimonial du projet. Le site, situé à une altitude de 50 mètres et à trois kilomètres de la côte, offrait en effet une visibilité directe avec plusieurs éléments emblématiques de la région, notamment le parc marin naturel d’Iroise, les îles d’Ouessant et de Molène, ainsi que le phare du Four.
Selon la cour, la présence des éoliennes aurait perturbé la lisibilité des paysages protégés de la presqu’île Saint-Laurent et de la route touristique de Landunvez. Cette décision s’inscrit dans une tendance plus large où les juridictions tendent à renforcer la protection des sites patrimoniaux face aux projets industriels, particulièrement dans des régions comme la Bretagne, où le patrimoine historique est étroitement lié à l’identité locale.
Impact sur le développement de l’éolien en France
L’annulation de ce projet éolien n’est pas un cas isolé. La France a connu plusieurs autres incidents similaires, où le déploiement de parcs éoliens a été suspendu ou arrêté en raison de l’impact sur le patrimoine ou sur l’environnement paysager. Cela crée une situation paradoxale pour les développeurs d’énergies renouvelables, qui doivent naviguer entre les impératifs de la transition énergétique et les contraintes réglementaires locales. Le contexte juridique actuel pourrait ainsi ralentir l’expansion de l’éolien terrestre, à un moment où le pays vise à renforcer ses capacités de production renouvelable pour atteindre ses objectifs de décarbonation.
En 2023, plus de 40 projets éoliens ont été bloqués par des décisions de justice similaires, mettant en évidence la nécessité pour les développeurs de mieux anticiper les risques patrimoniaux lors de la planification de nouveaux parcs. Cette situation a conduit à une révision des procédures d’évaluation environnementale, afin de mieux intégrer les enjeux patrimoniaux en amont des projets.
Les acteurs du secteur éolien plaident désormais pour un cadre législatif plus clair, afin de réduire les incertitudes juridiques et de faciliter le développement des infrastructures tout en respectant le patrimoine culturel. Cette affaire souligne l’importance de trouver un équilibre entre la croissance des énergies renouvelables et la préservation des éléments historiques qui façonnent les paysages locaux.