Le Brésil, un acteur majeur dans la production de biodiesel, se trouve à un carrefour réglementaire important. Récemment, l’Agence Nationale du Pétrole, du Gaz Naturel et des Biocarburants (ANP) a approuvé l’utilisation de biodiesel importé dans le mélange obligatoire avec le diesel A, actuellement fixé à 12% et devant passer à 13% dès avril prochain. Cette décision, formalisée dans la Résolution 962/2023, fait suite à la Résolution 14/2020 du Conseil National Brésilien de la Politique Énergétique, qui autorisait déjà les importations pour consommation propre ou usage expérimental.
Répercussions sur le Marché et les Acteurs Locaux
Les implications de cette nouvelle réglementation sont multiples et complexes. Le biodiesel importé ne devrait pas dépasser 20% du total mélangé au niveau national, un marché actuellement basé sur des transactions au comptant. Toutefois, cette ouverture aux importations intervient alors que le Brésil dispose d’une capacité de production inutilisée importante, répartie entre 61 producteurs autorisés. Selon les données de l’ANP, la capacité de production nominale de biodiesel au Brésil était d’environ 13,70 millions de mètres cubes l’année dernière, mais la production réelle n’a atteint que légèrement plus de 6,20 millions de mètres cubes.
Incidence sur l’Industrie Locale et les Prix
La perspective d’une augmentation de la part obligatoire de biodiesel dans le diesel A à 1% par an jusqu’à atteindre 15% en 2026, soulève des questions sur l’impact de l’importation sur l’industrie locale. Les participants au marché, notamment les distributeurs de carburant et les négociants, analysent les risques potentiels pour leurs activités suite à la publication de cette résolution. L’arrivée de biodiesel importé pourrait introduire une nouvelle dynamique de prix et de concurrence, affectant potentiellement la liquidité du marché.
Avantages pour l’Argentine et Questions Logistiques
L’Argentine, en tant que producteur majeur de biodiesel, semble être le principal bénéficiaire de cette réglementation. Les produits argentins pourraient avoir un impact plus marqué dans les États du sud du Brésil en raison de considérations logistiques. Les importations en provenance d’Argentine devraient s’améliorer à partir d’avril, coïncidant avec la récolte de soja du pays et l’augmentation conséquente des volumes broyés. L’huile de soja constitue la principale matière première de l’industrie argentine du biodiesel.
Réaction de l’Industrie Brésilienne
L’industrie brésilienne du biodiesel, notamment le secteur de l’huile de soja, réagit avec méfiance à l’approbation de l’ANP concernant l’utilisation de biodiesel importé. André Nassar, président exécutif de l’association brésilienne des broyeurs de graines oléagineuses Abiove, souligne que le prix du biodiesel brésilien est actuellement plus compétitif que celui de l’importation et qu’il n’y a pas de pénurie de produit. Cette décision pourrait toutefois avoir un « impact négatif » sur la production locale.
Perspectives pour l’Industrie Brésilienne
Dans le contexte de l’augmentation de la part obligatoire de biodiesel dans le diesel A à partir d’avril, S&P Global estime que la production brésilienne de biodiesel atteindra 7,68 millions de tonnes en 2024, soit une hausse de 14,5% par rapport à 2023. Sur le front des matières premières, le scénario semble favorable pour l’industrie brésilienne du biodiesel. Le Brésil est susceptible de répéter une récolte historique de soja de 158 millions de tonnes lors de l’année de commercialisation 2023-24 (février-janvier), avec des volumes broyés attendus en hausse de 3,7% pour atteindre un record historique de 56,10 millions de tonnes. La production brésilienne d’huile de soja pourrait atteindre un record de 11,30 millions de tonnes en MY 2023-24, contre 10,70 millions de tonnes en MY 2022-23, avec 5,26 millions de tonnes de cette huile comestible susceptibles d’être utilisées pour la production de biodiesel, soit une augmentation de 14% sur l’année, selon les prévisions de S&P Global. L’huile de soja est la principale matière première de l’industrie brésilienne du biodiesel, représentant plus de 70% de toutes les matières premières utilisées dans le processus de production, selon les données de l’ANP.
La décision du Brésil d’autoriser l’importation de biodiesel dans son mélange obligatoire soulève des questions critiques sur l’équilibre entre soutenir l’industrie locale et favoriser la compétitivité du marché.